Fuite dans la forêt

Quelle gamine ! Pire que ça j'ignorais que ça existait.
Le regard qui se voulait glacial, le ton des plus graves... Terminator miniature. Si seulement elle n'avait pas cette apparence de gamine, on aurait cru avoir à faire avec un truand.
Pauvre gosse, elle doit se croire dans un film. Mais le problème c'est que Baloo et Bagherra sont en congés. Moi je suis juste intérimaire dans le job de la nounou spécialiste de la survie en milieu hostile.

Bon, pas la peine d'attendre Vince, on est moins vulnérables si on se sépare, en groupe on attire trop l'attention. J'ai pas envie de finir sur un menu avec du persil dans les orifices et une pomme dans la bouche.
Je pars seul.

J'avance de quelques mètres, essayant de faire le moins de bruit possible.
Ca c'est facile... Depuis que j'ai 19 ans c'est mon boulot.
Un regard en arrière. Les lumières de la cité des anciens se sont éteintes, sauf la maison suspendue ou se trouve Vince.
Pauvres types, ça fait pas une semaine qu'on est là et on a déjà assité à un génocide. Mais c'est la règle désormais, pas de place pour les faibles.
C'est dommage, dur à avaler mais c'est comme ça.

Je reprend mon périple, me voici dans le vif du sujet. La fôret.
Obscure, inconnue... Effrayante même.
Des bruits se font entendre au loin, je me fous de savoir ce que c'est tant que ça reste à sa place.
J'écarte une nouvelle fois une branche sur mon passage.
Rien à signaler pour le moment, espérons que ça dure.
Encore une centaine de mètres de parcourus à tatons.

Soudain, un bruit entre les fourrés à ma droite. Mes dents se serrent, j'attrappe la dague trouvée dans la maison suspendue.
Un cure-dent si c'est un des monstres du festin.
L'intrus se dévoile. Un magnifique boa. Il pourrait me bouffer vu la taille.
Plus un mouvement, je te veux pas de mal, mon gros...
Il frôle ma chaussure puis s'éloigne au loin, comme si je n'existais pas.
Tant mieux. C'est reparti.

Enfin, j'entend des voix familières. Foutues fôrets, voilà pourquoi j'aimais pas les scouts. Tu peux pas négocier avec un ours ou un essaim de guêpes...
En parlant de guêpes... Je suis en plein dans un de leur nid.
Le Bon contre la Brute. Bougez pas les gars, le Truand vient de débarquer. Dommage qu'il n'aime pas trop se battre avec une épaule en miettes.
La dernière à piquer sa crise est Kheira. Tous s'énervent...
Bienvenue en Enfer, la température extérieure est de 40 degrés, nous vous souhaitons un agréable séjour avec des gens dont le plus grand désir est de s'entretuer...
Mais le plus urgent, c'est pas faire de trucs stupides, comme aller s'interposer entre Corso et Mike...
De toute façon je peux pas les voir.
Finalement c'est l'armoire à glace qui est un lâche. Faut le faire, braquer un type désarmé. Décidément, Solidarité est un mot pour les utopistes.
J'admire un instant le spectacle. J'aime pas les happy ends, ça tombe bien. D'un côté rien ne me dit que c'est pas moi qui vais me faire trouer la peau après. Essayant de faire en sorte de pas me prendre un pruneau je dis le plus calmement du monde :

- Hola... Les gars ça part un peu en cacahuette cette histoire...
Je vous rapelle que nous sommes tous dans la même merde.
C'est pas coller une balle dans la tronche d'un type qui va résoudre les choses... Corso, c'est bien ça ? T'es pas en position de chercher la merde.
Enfin, si tu tiens tant que ça à mourir, je t'en prie ne change rien.
En plus, d'un point de vue purement pratique, vaut mieux économiser les balles.
Faites pas trop les cons...

Je m'éloigne un peu, histoire de me faire oublier avant que je sois la prochaine cible.
Un pas vers Kheira, quelques mots, c'est pas grand chose mais enfin.

- Kheira... Ca va s'arranger.

Un léger sourire... Je dois être pathétique tellement j'y crois pas...

- L'ignorance fait souvent plus mal que les coups. Pour l'instant vaut mieux rester ensemble... Si c'est possible.

A toi de voir, ou tu lui écrases son joli minois, ou tu passes l'éponges...
Personnellement le choix aurait pas été trop long...
Je frappe pas les bonnes femmes par pure correction, mais dans le cas d'un homme je crois qu'il lui manquerait quelques dents.
Un léger sourire, pour calmer les esprits ou l'exaspérer encore plus, nous verrons bien.

On dirait bien que tout est gaché, brisé. Il est tombé une chape de plomb sur la scène. Pauvre Sibylle qui s'est refermée comme une huitre, le lien fragile qui existait entre elle et Corso, tout d'un coup disparu. Mais, la colère et la frustration, le dégout qui affleure d'elle. Il ne reste plus rien à Corso que le souvenir de l'odeur de la serre et la douceur de son corps de miel. Mais, las, le marin le sait bien qui s'evertue à tout gacher ce qui est trop beau pour lui.

Il vient d'un monde où les fauves entre eux se dévorent, un monde qui ne laisse pas de place au hasard. Seul la survie compte. Il a vu les yeux d'un ennemi, un type près à le tuer et qui le tenait au bout de son canon. Au jeu de la vie et de la mort, Corso n'est pas un joueur de roulette russe, et dans son monde, quand, on connaît son ennemi, on le tue ou on meure ! Surtout quand on a eut la chance d'en réchapper. Cela n'a rien à voir même avec les furies hurlantes au festin qui semblent tout droit sorties d'un cauchemar. Non, c'est une vieille danse mais qui n'est ni un jeu, ni une lubie testaustéronée.

Cette île, elle joue le feu avec nous, à chaque seconde, elle nous révèle plus de ces pièges, et nous devons tendre toute notre vigilance vers l'extérieur, je n'y survivrais pas si je dois mater mes arrières en permanence. On élimine les sources de danger. Eliminer ou s'en éloigner...

C'est ta sortie, Sibylle, qui me le rappelle. Comme on claque une porte, comme une gifle sur une joue. Un chapitre que tu refermerais. J'ai mal, mais, je ne demande pas de comprendre. Puisqu'il n'y a aucune autre issue...

Faut croire que le fond de mon caractère n'est pas si blindé que je le croyais. T'y as percé un trou large comme un obus. Et maintenant, je renonce au tribut du sang. Mais à quel prix ? Je vais surement te perdre, et ça fait mal à en crever. Si, je reste avec vous, je devrais forcément tuer Mike, et le groupe explosera. Seul, mes chances sont minces mais pas moins. Le vieux loup solitaire n'entraînera personne ainsi.

Corso a suivi d'un regard sombre Sybille qui s'échappe. Il est toujours glaçé de l'intérieur, mais c'est un grand vide qui l'habite à présent. Les muscles se relachent, les douleurs lanscinentes reviennent. conscience douloureuse du corps. Le groupe vocifère, renvoie sa colère, son appréhension. Le desespoir est presque palpable. Mike, lui, a reprit sa place éternelle, juste derrière son pote qui hurle. Laisser tomber ? Il fait comme si rien ne s'était passé. comme si la seconde d'avant, il avait pas été un quart de poil de cul de m'allonger pour le compte. Laisser tomber, le pire, c'est qu'il a raison !

Je détourne le regard vers le chemin qu'a emprunté Sibylle. Je sais que je n'y irais pas, pourvu qu'elle ne parte pas trop loin. J'ai mal partout, me tourner, boitiller. Maintenant que Celi s'est emparé de mon foutu talisman, laissant la pauvre Kheira sans soin et surement comme deux ronds de flancs. Et voilà, l'autre oiseau ténébreux et chichiteur qui vient m'expliquer la vie, faut toujours qu'il la ramène ? Le dandy débarque...

" Ferme ta gueule toi ! Ca nous fera des vacances ! "

J'ai l'air que ce serait pas l'heure de venir m'emmerder une seconde de plus. Corso vous tire sa révérence et prends le cap au large. Mais, pourquoi avoir pris un chemin de traverse à celui de Sibylle, pourquoi incurver ma marche ? La revoir une derniere fois, l'inquiétude de la savoir seule. Je ne dois pas.

(Nulle part ou ailleur... On verra en temps utile)

Crises de larmes, cris, fuites… Le monde s’agite. Une fillette part, un faraud arrive, la bouche en cœur. Son épaule semble être guérie mais sa faconde le travaille toujours autant. Laisse courir. Ce sont des mots.

Spelding junior semble doucement comprendre ce qu’il y a autour de lui. Il attire mon attention sur Kheira, toujours rampante et qui réclamait le caillou que la minette qui tenait mon gun a emporté. Je ne sais pas pourquoi. Mais quoiqu’il en soit, après avoir roulé dans les buissons avec la rescapée du golgoth, elle a déjà attiré un type.
Ouaip.
T’es vraiment qu’un pauvre con mon bonhomme. Rappelles-toi ce que tu es. Tu as cru à quelque chose ? Arrêtes, va. T’es qu’une pauvre pomme.

« Oui monsieur Spelding ? »

Kheira fulmine, tempête. Elle cumule ses haines envers le monde entier. Enfin, envers ses représentants ici-bas. J’arrive pas à m’en détacher complètement. Je devrais rester froid. Oui c’est ça.
Froid, impavide.
Cette fille n’en a rien à foutre, ne te fais pas avoir encore une fois. Tu n’as pas les moyens d’y laisser encore un bout. Ce qu’il te reste, t’en as trop besoin. Faut pas mourir grand, t’as pas le droit, ni d’amour ni sous les coups d’un autre.

Kheira est là et ce mec au-dessus d’elle… Garde ta colère au fond, range tes émotions au fond de ta poche et mes ton mouchoir dessus. Elle fait ce qu’elle veut de sa vie, de ses amitiés et de son corps.

T’étais qu’une passade.




Reviens à la réalité.

Elle est restée si longtemps, si longtemps seule à regarder le vide, à chercher ce qu’elle pourrait faire, à quoi pourrait servir sa vie, à quoi elle a servi. D’amis, elle n’en a eu qu’un, un seul dans toute sa vie. Et cet ami, il a failli mourir pour elle. Et pour le remercier, cet ami, elle est partie, elle s’est enfuie, le laissant seul, pour se retrouver seule elle aussi.

Elle avait besoin de ce calme autour d’elle, de la nature si proche d’elle, de ne plus voir personne, de ne plus les entendre se disputer, s’entretuer, s’ignorer. Elle a préféré rester seule si être accompagnée, c’est lire dans le regard des autres qu’elle ne fait pas partie de leur monde et qu’elle n’en fera jamais partie.

Elle a eu tort, tort bien entendu, tort de vouloir s’approcher d’eux. S’approche t’on de la flamme quand on sait qu’elle va vous brûler. S’approche t-on de l’eau quand on sait qu’elle va vous submerger. S’approche t-on des hommes quand on sait qu’ils vont vous rejeter.

Seule la nature la protège, l’entoure, la rend invisible au regard des hommes. Dans ce coin perdu, elle peut pleurer, elle peut crier, elle peut frapper le sol de ses mains nues pour rejeter la douleur, pour qu’elle parte dans la terre, comme elle voudrait pouvoir le faire, avoir le courage de le faire.

Mais la mort n’a pas voulu d’elle. Par deux fois elle l’a rejetée. Même la mort ne veut pas d’elle.

Elle se lève, non pas par envie, mais parce qu’elle commence à avoir des crampes dans les jambes. Alors elle marche, lentement, sans but, sans raison, sans pensée, sans vie. Elle marche dans la forêt, elle s’enfonce dans les sous bois, sous les arbres, aux endroits les plus profonds, là où il n’y a plus de chemin, là où les ronces ont élu domicile, là où elle s’égratigne pour se frayer un chemin.

Il fait si sombre dans cette partie de la forêt qu’elle ne sait plus s’il fait jour ou s’il fait nuit. Cela n’a pas beaucoup d’importance, le temps s’est arrêté pour elle. Il s’est arrêté depuis si longtemps, depuis trop longtemps peut-être, alors que c’est sa vie qui aurait dû le faire.

Un chemin dans les buissons. Un chemin qui s’ouvre sous ses pas, un chemin qu’elle prend sans s’en rendre compte, un chemin qui la conduit vers la nuit, vers sa nuit, vers sa mort, peut-être enfin…

[Vers les sous terrains]

Cent réponses cinglantes me viennent à l’esprit pour faire rentrer dans sa gorge chacun de ces mot lui me font mal. Tout à l’air simple dans son crâne, un vrai scénario de soap. Mais quand on a plus de 13 ans, on a un passé, une vie avant l’instant présent. Et les décisions que l’on prend ne sont pas forcément celles qui conviendraient à un producteur d’Hollywood.

Une pause ? Mais mon p’tit gars, y a pas de pause, ça n’existe pas. Ouais, c’est sur que si tu bosses dans un bureau ou sur un plateau de cinoche, tu peux te l’accorder la pause. Mais ici… Ici, la dernière pause que j’ai prise m’a vue obligé de filer en quatrième vitesse pour tenter de flinguer à tout va des types sortis de la nuit des mort-vivants… Alors une pause… Le danger habituellement, est partout, mais là, ça semble pire. Et je ne peux pas me permettre de te laisser zigouiller mon gars. Vraiment pas.

« Comme monsieur voudra. »

Trois pas et je suis déjà à côté de Kheira. Elle n’a pas l’air en bon état, pas mieux qu’avant l’échauffourée. Je ne saurai dire s’il s’agit d’un état de fatigue générale où une blessure que je n’aurais pas vue. Ses traits, malgré la fureur non apaisée restent harmonieux. La force qui se dégage d’elle est palpable. Elle…

Arrête ! T’as déjà oublié ?

Alors, sans piper mot, je m’assois à ses côtés.

Merci... James... je sais que ça va aller, dis-je d'un ton incertain, lasse.

Après ma colère qui s'apaise tout aussi vite qu'elle est venue, c'est la résignation qui prend sa place. Résignée de voir Sibylle, Céli et Corso partir, de voir Rick sous un angle différent, plus compréhensif, plus gentil, moins égocentrique, d'entendre James me dire que tout va bien aller.

Mais surtout... résignée de voir que Kristoff s'est de nouveau renfermé dans son rôle de Monsieur Mike. Et c'est ce qui me fait le plus mal. La brèche entrouverte s'est refermé. Ce petit fil tenu mais qui s'était tissé, c'est définitivement rompu. Et ce malgré tout ce que Rick a pu dire, la gentillesse qu'il a pu montrer pour lui. Ce n'est plus Kristoff mais mister Mike qui a remporté le combat... et ça m'achève. Voilà ce que s'est de s'attacher... on en souffre toujours un jour ou l'autre. Et il ne fait pas exception à la règle.

Et cette froideur dans sa voix. Cette façon d'agréer machinalement à une injonction de Rick. Cette indifférence lorsqu'il vient s'asseoir prêt de moi... Je ne la supporte pas, je n'en veux pas, qu'il la reprenne, l'éloigne de moi, la mette au placard.

Mais qu'est ce qui me prends de m'appesantir sur lui. C'est sur mon cas que je devrai me pencher, sur celui des autres aussi, pas juste sur lui, alors qu'il a refermé la lucarne à double tour, tiré les rideaux. Mais j'y arrive pas... Ma résignation à son sujet s'envole, remplacé par une défiance que j'abhorre trop souvent quand je me retrouve face à un mur.

Sur le flanc, je m'aide de ma tête, rampe vers lui en zigzaguant telle un crotale en ahanant et dépose ma tête sur ses cuisses en soupirant. S'il me repousse je le mords...

Je reporte alors mes pensées vers Rick et James. Les deux seuls qui restent et qui ne me témoignent pas du rejet.

Que fait-on ?

Une bonne chose de faite... Ils se sont pas foutus sur la gueule.
Malgré ce que peut dire Rick, le plus urgent était d'éloigner le frisé avant qu'il fasse exploser Mike...
Je réponds au fils à papa :

- Si tu veux... Par contre, je te déconseille de continuer à me parler comme ça... A qui que ce soit d'autre d'ailleurs. Je suis pas diplomate, mais que je sache t'es pas Gandhi non plus... Bon, on va pas s'y mettre, ça serait débile. Ok, pour essayer de faire quelque chose des névrosés qui trainent.

Un sourire assez amusé. J'aime les gens directs, au moins il passe pas trois plombes à blablater pour me faire avaler la pillule. Il semble moins stupide que les autres...

J'en ai ras le bol de ces types qui pensent qu'avec leur membre...
Ca me change pas de d'habitude. Moi les iles desertes où les chances de survivre sont infimes ça m'arrange pas la libido...

Le plus urgent est pas de se morfondre sur la décadence de l'être humain ou je sais pas quel sujet philosophique à deux balles, mais se tenter de faire un groupe qui tient la route.

Kheira aussi, semble partante pour autre chose qu'un plan "celui qui survit a gagné"...

- Comme l'a dit Rick, il faut rapidement retrouver les autres, et partir dans ce souterrain. On sera toujours moins à découvert qu'ici.
Après on improvise. Vous deux vous avez l'air de connaitre Mike plus que moi... Peut être essayez de lui parler. C'est pas rien ce qu'il a failli faire.
Je vais essayer de m'occuper des autres, quitte à me faire définitivement haïr...

Permière étape, Sibylle puis Céli et enfin mon meilleur ami... Corso.
Un signe de tête à mes deux compagnons de galère, puis je me rends dans la direction prise par les deux femmes... Je sens que je vais me prendre une dérouillée, mais tant pis.

Super chouette, nouveau règlement de comptes... Là je fais pas la même connerie. Je passe derrière un arbre, ni vu ni connu, et j'attend que l'orage passe... Ou qu'il devienne typhon.
Dos au tronc, je les entend. Céli tente de calmer Sybille, mais c'est pas super réussi... Pauvre mec, j'ai presque de la peine pour toi... Hum.
En fait non. C'est de bonne guerre. Mon tour viendra.
J'attrape mon sac et je sors l'outre récupérée dans la maison suspendue.
Une gorgée plus tard, je verse un peu de liquide dans ma main et la passe sur mon visage.
Les idées plus claires, j'essaie de comprendre quelque chose au chaos qui nous entoure et nous dévore, un par un...

Ah ben ça j'ai vu que c'est pas un diplomate. Il débarque des buissons, passe à un doigt de refoutre le bordel alors que ça se calmait, et en plus il se la joue grand mimile. Il oublie que je lui ai sauvé la vie, et que je fais une bonne demi-tête de plus que lui.

Par contre, il a raison, on va pas s'y mettre. Je vais le laisser faire gonfler ses plumes tout seul, on a assez perdu de temps comme ça. Il a l'air d'avoir la tête sur les épaules, lui, même si il se rend pas trop compte du risque qu'il vient de prendre avec Corso.

Super, il va chercher les autres...
Noooon, t'occupes pas de Kristoff, bon sang.
"...c'est pas rien ce qu'il a failli faire...", juste devant lui. Il est inconscient. Et Corso, c'était clean peut-être, son comportement? Putain, lui, il faut l'empêcher de jouer Kissinger, c'est clair.
Le souterrain? On y était il y a dix minutes, et il est arrivé par l'autre côté, je me rappelle pas l'avoir croisé là-bas, mais bon, je courais. Ca sera notre éclaireur, plutôt qu'un diplomate alors.
"Après, on improvise." Ben voyons! Il s'imagine qu'il va débarquer et prendre la tête de la troupe, comme ça.

On a Mi...Kristoff, maintenant. C'est un pro qu'il nous faut.

Je lance un regard à Kristoff juste après, le discours du cap'taine Callahan, un sourcil levé, visage incliné et moue désapprobatrice. Obligatoirement, il va comprendre.

Ca y est il s'enfonce dans les fourrés.

Ho, James, cool avec Corso, hein! Evite les conseils et les...euh.. injonctions, ok? Dis-leur juste qu'on les attend et qu'il faut se grouiller.

Pas avec son coupe-chou du moyen-âge qu'il aurait une chance contre Corso, l'Irlandoche.

Un petit coup de barre, là. J'ai encore un peu mal au crâne du coup de bûche que je me suis pris quand Goldorak m'a envoyé valser.
Je le sens mal, là.
Le gunfight avec les mutants, c'était la grosse décharge d'adrénaline, je sentais rien, c'est presque pas...presque pas un mauvais souvenir.
Mais maintenant, j'aime pas. On avance, on recule, on est organisés comme des manches, on est tellement nazes qu'on se bagarre entre nous au lieu de rester groupés. On aura perdu au moins un quart d'heure, et un seau d'énergie chacun. Kristoff a failli gaspiller une balle, et Corso...

Je m'avance, pose au passage une main sur l'épaule de Kristoff, assis, la tête de Kheira sur les genoux, je les dépasse de quelques mètres et vais m'asseoir contre un arbre.
J'ai besoin d'une pause moi aussi.
Juste trente secondes à me masser les tempes.

Allez, James, ramène-les.

Elle repte vers moi dans un mouvement mi-gracieux mi-épuisé. D’un bras que je veux secourable je l’aide à se hisser et sa tête se pose lourdement sur mes genoux.

Gagné.

En plein sur le bandage. Je ravale une grimace. Sans y penser, mon bras l’enveloppe. Elle a l’air d’être dans un sale état, vraiment… Je la parcours des yeux, essayant tant bien que mal de faire un bilan général, malgré mes compétences restreintes en matière de santé. Je saurai recoudre, garrotter ou faire un massage cardiaque, mais là, à vue de nez, je pencherai plutôt pour une crampe générale, un éreintement exacerbé. De l’eau, beaucoup d’eau, des massages… et du repos. La dernière composante du remède risque de ne pas être pour tout de suite, mais pour ce qui est du reste…

Du bout des doigts, je prends l’extrémité du deltoïde et remonte en petites vagues. Son épaule est dure comme une planche. Va falloir prendre du temps pour…

Mais le cador revient à la charge vers Rick. Son ton est direct et menaçant. A mon tour je me tends.
Touche-le et t’es mort…
Mais l’ambiance se calme vite, le roquet en profite même pour parler de moi à la troisième personne, un peu comme le font ces médecins suffisant au pied du lit de leur cancéreux, sans même leur accorder un regard « Alors ? Il a pris son lavement ? Il est content ? ». Toi mon gars, je te pensais hors des clous et un peu perdu dans une bulle. Tu m’as tout l’air d’avoir un melon qui rentrerait plus dans un pull pour éléphants.

Mais déjà il s’en va tournicoter autour d’autres pots de miel. Bon vent.

Rick a pris un coup de vieux. Son visage trahit la fatigue et la lassitude. Il me gratifie d’une main amicale sur l’épaule. T’inverses les rôles mon bonhomme, le protecteur, c’est moi. Mais rassures-toi, essaye, ça ne peut te faire que du bien.

Il s’assoit à son tour et le calme retombe sur la clairière. Des bruits étouffés de colère parviennent de notre droite. Ca a l’air de régler des comptes là-bas, il doit y en avoir besoin.

L’épaule gauche est maintenant un peu relâchée. Son visage se détend imperceptiblement. Au tour de la droite. Je la rehausse un peu contre moi, sans un mot. Musclée, forte, mais épuisée. Allez, un petit voyage vers les cervicales.

Tout en détaillant chaque nœud nerveux de son cou, je murmure.

« Qu’est-ce qu’on fait ?
On attend.
On attend et on récupère tout ce qu’on peut. La course n’est pas finie. Les forces qui nous restent sont essentielles. On se pose et on respire. »


De ma grosse main calleuse, je replace une mèche délicate de sa chevelure.

Je prends la poudre d'escampette. J'aurais voulu te dire au revoir, ou plutôt juste te regarder pour ne pas tout perdre ou oublier. On ne revient pas sur ce qui est fait. J'ai laissé le groupe derrière moi sans un regard en arrière, qu'ils chantent alleluya ou s'engueulent je m'en cogne comme de l'an 40. Décision prise, il n'y a pas de créneau pour faire demi-tour.

Celi t'a rejointe, elles discutent mais des fourrées séparent nos chemins de traverse. Corso ne les entend pas. Le regard noir de Sibylle, colère, incompréhension, lui fait mal, mais, le marin doit fermer son esprit à ce genre de pensées. Il n'y a rien à comprendre d'autre qu'il est un danger pour le groupe et qu'il considère Mike comme un danger pour lui. L'explosion tout à l'heure n'est que la résultante d'une série de facteurs cumulés qui ont mis dans le rouge tous ses systèmes d'alarmes, version "Instinct de survie". L'île, bien décidée à les bouffer tous, ne permet pas de laisser une telle faille.

Oui, mais, voilà, une petite sorcière aux seins pointus en a décidé autrement, on dirait. Fumasse et fumante pire qu'une locomotive à vapeur, elle a harponné sa copine fantomette et me fonce droit dessus en écartant rageusement les buissons. Ca va être une fête version beuglante ces adieux. Pourquoi en rajouter ? Non, Sibylle, qu’est-ce tu fais ? J’aurais mieux fais de tracer au large de suite. J’ai tout foutu en l’air, alors, maintenant, les mots, les adieux… Pour toi, mes actes sont incompréhensibles chargés de violences. Pour moi, ils prennent leurs sources dans une discussion toute personnalisée que j'ai eu en direct avec l'oeil unique d'un canon noir qui m'annonçait que j'avais rendez-vous avec ma mort.

T’as déjà su briser la spirale, éteindre le feu de l’adrénaline. Je suis vide et glacé. Mais, tu déboules comme la sainte justice sur le condamné. Et derrière toi, tu trimballes Céli, pale image, corps sans vie et qui pourtant continue d’exister… T’es belle et terrible, ma furie, le mauve de l’océan qui s’obscurcit juste avant la tempête, le manteau d’un noir prémonitoire qui envahit le ciel. Impossible de partir comme cela, trop tard, je subirais le cyclone.

Je peux tout aussi bien t'attendre et t'écouter. Une part de moi sait qu'il sera plus dur de repartir, mais l'autre se refuse à bouger d'un pouce. Elle a pris son élan, me balance un ramponneau version poids mouche. Avec ma tronche comme un steak tartare, ça fait mal ! Mais, c'est moins physique que moral. Y a un fossé affreux à combler et tes mots me renvoient à la casse des brutes sans noms. Mais, ceux qui survivent n'ont pas d'état d'âme, pas de regrets. Là d'où je viens, un type vous pointe et oublie de presser sur la détente, c'est un homme mort... Qui peut le comprendre s'il n'y a pas déjà été confronté ? Je ne te demande même pas de le saisir ou de l'entrevoir. Il me faudrait te mentir, cacher, dissimuler la blessure qui me laisse glacé devant ta furia. Mais, comment faire, face à une sorcière qui lit dans vos pensées. Je n'aurais pas du t'attendre, fuir et ne pas se retourner.

Trop tard, je prends la vague de tes émotions en déferlante. Je devrais me fermer, t'échapper ! Pour voir quoi ? Tout ce dont je me doute et qui ne peut être guéri ? Je t’ai repoussé, trahi, abandonné quand tu venais à moi. Inconditionnel réflexe de survie. Je ne me vois pas plus beau que je ne suis, un animal parmi d’autre. Sont marrant les hommes, ils ont vaincu dans l’échelle de prédation, et maintenant, ils se prêtent un terme qui engloberait tout : « L’humanité ». Pleins de bons sentiments et pleins de réflexions sur les causes et les raisons de leurs gestes. Et bah, moi non. Nib, peau de balle, zéro !!! Qu’ils les gardent leurs réducteurs de têtes et leur putain d’humanité. C’est des trucs pour vivre enfermés entre des murs de béton bien sécurisés. Moi, je survis parce que je n’oublie pas ce que je suis. Un putain d’animal à sang chaud, tout juste assez évolué pour ne pas jouer sa survie à la roulette. Et cette île, bordel, au grand jeu de la survie, c’est pas un amuse gueule !

Alors pourquoi, je la subis, pourquoi, son cœur de douleur me frappe aux tripes quand je devrais renvoyer mon indifférence… Ma rage depuis longtemps tombée, mes défenses sont faibles. Je dois cacher une âme de midinette, des réflexes pavloviens romanticoguimauve, mélange kitch et irréaliste, instillés à mon insu. A moins que ce ne soit plus grave, que les émotions que tu tais et qui affleurent ne me frappent plus profondément qu’aucun coup de poing dans la tronche. Il vaudrait tellement mieux que je m’en aille pour toi et pour moi. J’ai bien plus peur que tout à l’heure dans la clairière au festin des furies, j’ai la trouille comme même un flingue sur ma tempe ne saurait provoquer. Et ce sentiment d’abandon, de rejet, que tu me lancines que je suis une merde.

En fond sonore, les bruits de bouche de Céli sont aussi vagues qu’un brouillard d’aube. Qu’elle s’en mêle ne me fait rien de plus que les piqûres d’une moucheronne un soir d’orage. On peut pas se saisir, la pauvre, elle en a vu et en verra. Son histoire de misère remplit la complète de guerre et paix. Est-ce que je leur ai demandé de comprendre ? Testostérone ? Réaction massive, qui a la plus grande ? Rien, rien de plus prégnant encore que ces 10 secondes où Mike a enclenché le cran et visé entre mes deux yeux. Y a la compréhension, la trouille, c’est long, et puis, l’acceptation. Quand on vous dit avec de grands panneaux, « é finito la vita ». Il aurait mieux fait d’en finir.

Je suis ailleurs, maintenant, et ça n’a pas d’importance. A l’intérieur de moi, ou de toi. Une grande plage dévastée, et ta vague qui déferle. Où se situe ce lien que tu crées, je ne sais pas. Mais, c’est si terrible et si fort. Je prends, je voudrais être un rocher dans ta tempête où tu t’accroches, te laisser déverser… Je voudrais être un filet pour te capter, te récupérer. Tout est bouffé, perdu. Si, j’ouvre mes vannes, je ne pourrais plus rien cacher. Si je te touche, je serais perdu à jamais déchiré. A quoi, je pourrais te servir si je perds le goût de la vie pour le parfum de ton âme. Ma main s’est levée mais s’arrête à 15 centimètres de toi, inutile et trop peureuse pour effectuer les derniers pas. Mes murs sont tombés, citadelle de pacotille, devant l’assaut.

Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Je n’ai aucun autre regret que de t’avoir oublié. Aucune autre trouille que de te perdre. Mais, je prends le raz de marée de plein fouet, ça détruit tout, ne laisse pas grand-chose qui ne soit à nue en moi. C’est comme si je me laissais noyer vif, sans réaction. Je voudrais tellement te serrer et te retenir. C’est possible juste en sensation en émotion ? Alors déverse, on verra ensuite.

Une torpeur m'envahit lorsque les doigts de Mike commencent leur massage bienfaisant. Sûrement pour agréer aux ordres de Rick, mais ça fait un bien fout et ça se ressent dans tous mes muscles atrophiés. Une mèche qu'il replace et je reprends espoir, un murmure à mon oreille me demandant quoi faire et j'ai le coeur qui fait un bond dans son socle. Rien n'est perdu... Kristoff est toujours là quelque part en lui !

Qu'est ce qu'on fait ? je...

Quelque chose me frôle, m'enveloppe, s'insinue dans mes narines, ma bouche, les oreilles. C'est éthéré, poisseux,visqueux. Ca colle comme de la glu à ma peau et j'aime pas. Je me sens sale d'un coup, pervertie. Et pourtant ce n'est qu'une brume... mais une brume qui pue atrocement, qui m'écoeure, me donne la nausée. Elle charrie des relents de viande morte, en putréfaction. L'image d'une gazelle pourrissante se forme devant mes yeux, le blanc laiteux de ses yeux, sa langue pendante, ses côtes déchiquetées, ses viscères à l'air, et tout ce sens brun, séché, puant qui attire toute la vermine. Cette gazelle c'est nous, et la chose qui arrive, c'est la hyène qui vient chercher son repas.

Je frissonne de peur. la chair de poule me prend au corps, je me recule un peu plus me blottissant contre Mike. Mes mains s'agrippent à ses jambes. On est foutu. Y a plus d'issue sauf la mort... La mort... Céli... déjà morte... Céli dans la faille qui parle à quelqu'un que je ne voyais pas. Elle lui a demandé de l'aide et il l'a soigné, a débloqué Louison de l'étau de pierre dans lequel il était emprisonné... rappelle toi Kheira, comment qu'il s'appelait...

Kheira...est-ce que tu peux voir Ben ?

Oui... oui... Ben... Céli... Il faut qu'elle l'appelle au secours.... contre le surnaturel, il n'y a qu'une seule arme... le surnaturel... Faites que cela marche, que Céli accepte, que Ben soit assez courageux pour sauver sa soeur, et nous sauver par la même. L'amour filial, c'est le plus fort de tous dans la vie comme dans la mort.

J'attrape la main de Mike pour me donner la force de hurler à m'en arracher les cordes vocales.

Céli appelle ton petit frère Ben... on a besoin de son aide !!!! vite !!!!

Faites que ça marche ! pitié Seigneur pas maintenant...

[Hrp : Je suis pas particulièrement fan de Korn mais cette musique là est pas mal du tout ]

http://www.radioblogclub.fr/open/59699/shoots_and_ladders/Korn%20-%20Shoots%20and%20Ladders

Pas un mot... Un silence parfait... Trop parfait.
Même le vent a cessé de faire vivre les feuilles au gré de son souffle.
On étouffe... J'observe Sybille et Corso de loin...

Hum, elle a pas du apprécier sa petite crise. Elle s'attendait à quoi ?
Elle croyait pouvoir connaitre ce type en quelques jours ?
Descend de ton nuage petite fée, revient dans le monde réel.
J'ai bien aimé le passage où elle lui a en collé une... Mais je suis pas comme eux. Rester calme, analyser, et enfin se lancer...
Là il me faut agir.
J'ai assez vu ce genre de scène entre mes parents pour savoir que ça peut durer des heures. Les deux tourteraux ont dû oublier où on était...
Et surtout avec qui.

Je respire rapidement, j'ai pas tellement l'habitude de ce climat tropical, l'Irlande est pas le pays le plus au sud...
Lourd... Je me sens de plus en plus lourd. Sommeil. J'ai...
Tu dors t'es mort. Pour éviter de sombrer, je me remet sur mes jambes.
J'ai entendu Céli parler.

C'est la seule qui a brisé le silence et qui semble avoir la tête sur les épaules. Le pire ? C'est encore une gamine...
Ce qu'elle a dit est vrai. Faut pas rester là. J'ai dans l'idée que nos amis du banquet ou leurs potes n'en ont pas encore fini avec nous.
Un vrai chasseur traque sa proie jusqu'au bout... Inlassablement.

Une puanteur venues des entrailles de la terre apparait.
On dirait du souffre... Ca c'est pas bon.
Peut importe ce qu'on va dire, j'agis.

Je sors de mon observatoire, aux yeux de tous je deviens l'indiscret.
Ma bouche est sèche, pourtant mes bras et mes mains sont moites.
Je m'éclaircis un peu la gorge pour tenter de faire disparaitre cette sentation, enfin je parle.

- Corso... Céli à raison. Et c'est pas pour me la jouer ou te prendre le chou que je dis ça. Regarde les, regarde toi. On a besoin d'un meneur...
A mon avis, y a que toi qui puisse remplir ce rôle.
Mais tu n'es pas seul... Tu me supportes pas, tant mieux c'est réciproque, mais le fait pas pour moi, mais pour les autres.

Au moins ça a le mérite d'être clair...
Je les regarde tour à tour avec Sybille. Les mêmes yeux, les mêmes sentiments. J'aimerai leur sourire, mais rien n'y fait.
Nous n'avons pas le temps.

- Sibylle... Essaie d'oublier ce qu'il a fait. C'est cette ile. Ce n'est pas nous... J'ai agi comme un véritable idiot à plusieurs reprises.
Trop de tensions, il est temps de creuver l'absès une bonne fois pour toutes et de rejoindre le reste du groupe déjà parti.
Nous avons tous droit à une nouvelle chance.

Comme on le dit, personne n'est parfait. Nous ne sommes que des hommes, avec leurs angoisses et leurs pulsions... Notre seule issue est ensemble.

- Vite...

Je vous attends...

C'était le chant du départ. solide, planté sur mes bases, combien de temps j'y ai cru ? Combien de temps avant d'être happé, laminé par la lame de fond ? Elle est minuscule et toute faite de chaud et de rondeur. D'abord son esprit qui m'a frappé comme ça, renvoyé à mes propres démons avant que tout soudain, elle se jette dans mes bras, sa tête abandonnée contre mon torse, elle serre toujours plus fort. Et les émotions toujours qui déferlent, mais qui ont si tellement changées. J'aurais mieux fais de partir quand il en était encore temps. Parce que maintenant, quand je sens ton coeur qui palpite contre moi, ta chaleur qui m'envahis, je mesure trop bien le poid d'une défaite que j'ai trop attendu et guetté.

Te serrer ? te mordre et t'embrasser ! Ton parfum me renvoie à la serre, à ces instants que même devant la mort, je ne peux renier. Prêt à tout perdre le marin ? Je ne peux plus rien te cacher ni rien ignorer. Sibylle est là collée à moi, et je sens son soufle dans mon cou. Mes bras qui l'entourent et s'agrippent comme à une bouée de sauvetage.

Je n'ai plus qu"un aperçu de sa splendide chevelure. Relever son visage, mélanger nos souffles. Il y a dans son pouvoir quelque chose d'énorme qui ne souffre pas de borne. J'embrasse et je remonte la courbe de ta nuque, assoifé. Les cheveux sombres s'éparpillent, me découvrent la peau et son grain de satin. Elle sent la vie et la lumière, toutes choses qui repoussent l'odeur de l'île; et sa peur de me voir partir qui me harcelle.

Mes baisers gagnent la courbe de sa joue, son visage qui me trouble. Ma sorcière ! Plus loin, il y a la source de tes lèvres, un fruit défendu dont je connais déjà le goût mais qui ne saurait jamais me rassasier. J'y arrive et veux m'y jeter comme un mort de faim. Mais, le vent et les suppliques véhémentes de Céli et James comme un mauvais rëve. Pire, Celi tente de s'imiscer entre nous par le biais des pensées. Mouche opportune, oiseau de mauvais augure...

De quoi, elle parle, Céli ? De l'odeur putride et du brouillard brulant qui monte comme des tentacules. C'est eux ? Ou bien la voix de Kheira suppliante au loin, venant de là où traînent les survivants. L'instant est douloureux de la séparation, c'est sans doute pour ça que j'en chialerais, et je te garde contre moi comme un trésor trop longtemps perdu.

Céli, on dirait qu'elle invoque un démon ou un protecteur, je n'y comprends rien. De nouveau, la trouille qui monte. Mais, pour sibylle cette fois. Mais, fermez vos gueules ! Comment on pourrait réfléchir dans cette cacophonie. Et vous faites quoi, vous contre les brouillard brûlant ? vous soufflez dessus pour les éloigner ? Et James Calahan qui me bavasse dessus...

" Mais, bordel de dieu, James... De quoi tu parles ? Tais-toi et cours droit devant ! "

Moi, je boitille, mais je suis déjà parti comme un lapin. D'ailleur, c'est ce qu'on est depuis le début ! Des gentils petits lapins grassouillets. Filer comme un dératé vers le carrefour où traine encore les autres. tirer contre moi Sibylle, ne plus la perdre. Il reste qui ? Rick, Kheira et mike, ne pas y penser. Je grogne.

" A cinq cent mètres, y a la faille par où se sont barrés les autres qui suivaient Trapp. On devrait pas traîner. "