La chambre du pendu

J'ai l'impression de vivre dans un monde où tout se passe trop vite pour que je puisse intervenir. Angéline me parle, suivi d'Amadeus. A peine le temps d'ouvrir la bouche qu'une femme fait son intrusion dans la pièce me rappelant vaguement quelqu'un.

Mais elle n'est point de notre bord et ça ne se voit rien qu'à son allure. Elle dégage un sentiment de solitude, de tristesse mais elle n'en reste pas moins malsaine et gonflée de mauvaises intentions envers nous.

Maël s'approche de la femme et Angéline a peur. D'apparence elle reste calme, hormis c'est mains crispées qui se ferment et s'ouvrent nerveusement. Et son regard... que dire de lui qu'il est le miroir de son âme et que celui-ci trahit cet amour hors du commun qu'elle a pour lui, et l'effroi de le perdre à jamais.

Maël parle, invite la femme à s'asseoir sur un fauteil. Plus il lui parle et plus il rzépond à mes questions pour ne laisser aucun doute sur l'identité de la mauribonde. Dragonnia... Cette jeune femme si fade, sans personnalité, qui passait inaperçu dans un décors malgré sa beauté placide.

Amadeus s'approche d'elle à grand pas et qu'apprends-je ? qu'il a folâtré avec elle dans les thermes. Une bouffé de jalousie me submerge, de rage je me détourne d'eux, mon regard se perdant dans le vide. Cette rage que j'aimerai retournée contre Alakian, j'ai envie de la vider sur eux tous.

Que m'avais dis Angéline ? que si je pensais fort à Amadeus, si je l'aimais de tout mon coeur, cela m'aiderai à ne plus tomber sous la coupe des vampires. Je l'aime pourtant Amadeus, j'ai même pensé à lui mais rien n'y a fait. Ce n'est pas un amour aussi pur que celui de Maël et Angéline... ce n'est peut être même qu'un amour de convenance pour supporter ce village.

Un bruit sourd et bref. Je me retourne. Amadeus s'approche de moi, j'ai envie de le frapper mais comme toujours face à lui je me sens faiblir et m'approche de lui pour mieux me jeter dans ses bras.

Un bruit sourd. Je regarde par dessus l'épaule d'Amadeus et voit Maël ligoter Dragonnia, inconsciente. Je n'ai pas pitié d'elle. Elle a choisi sa voie comme j'ai choisie la mienne ! mais la mienne paraît de beaucoup plus enviable que la sienne. Elle a choisi l'enfer et moi le paradis...

"Filer... oui mais pour aller où ? la dernière fois que j'ai vu le colosse qui m'a parlé d'Irène c'était dans un sublime pavillon et je ne sais pas s'il y est encore..."

??

Voilà qu'il lui colle son poing sur la tronche ?!
Et il l'attache...
hé hé hé hé hé, diantre que j'eus aimé l'assomer moi même, mais bon, moi je suis en gentilhomme, un libertin raffiné et aux belles manières...


Sacrebleu Maël ! Auriez vous perdu l'esprit ? Ce n'est point là manières à traiter une dame, aussi démoniaque soit elle...
Hum... Filons d'ici en vitesse, si de notre attitude implacable envers déventuels ennemis dépend notre salut, soit, mais point de violence inutil s'il vous plait..

Hopla, nouveau numéro du noblion, j'excelle dans l'art de l'apparence..hé hé hé, je lui mettrai bien un petit coup de pompe avant de partir quand même, d'autant qu'elle est attachée...

Qu'a Hombeline ? Elle accepte mes caresses sans plus de foi, elle se blottit dans mes bras mais je la sens ailleurs... Aurais je perdu ma valeur à ses yeux ? C'est maintenant plus que jamais que je devrais être là pour elle, mais je ne sais comment l'épauler, comment lui prouver à quel point que l'ai..

Un pavillon dis tu ? Je pense que nous trouverons Irène ici même au château, non ?
Angeline, vous qui vous ètes eclipsée dans cette bâtisse, quelles pièces n'avez vous pu encore examiner ?

J'étais à deux doigts de défaillir. Comme dans un rêve, j'ai vu sa main s'élever puis s'abattre, couperet mortel, sur la nuque de Dragonnia. Un son mat. Un corps soudain devenu flasque... Je devrais être prétrifiée d'horreur de le savoir capable de ça, ce coup en traître, mais je ne ressens qu'un soulagement sans bornes.

Cette femme était le danger incarné, l'aspic sous un coussin de soie... Il l'a mise hors d'état de nous nuire. Peut-être venons-nous de brûler nos chances de la voir nous aider, mais son aide était bien improbable. Il a fait la seule chose sensée. Que valent les scrupules dans ce genre de situation ? Qu'aurais-je fait, à sa place ? Je lui aurais plongé l'Epée dans le dos... Son traitement à lui est sans aucun doute plus miséricordieux, et je me sens presque sale de mes pensées sombres à l'égard de Dragonnia. A-t-elle choisi de devenir ce qu'elle est ? Peut-être pas. Dans ce cas, peut-on lui en vouloir ? Un oreiller à la main, je m'approche du fauteuil. Le coussin sous sa nuque. C'est bien peu. Maigre expiation d'intentions inavouables...

Il me tend la main, son regard me cherche, anxieux. Je les prends doucement, l'une et l'autre. Elevant doucement sa paume à mes lèvres, j'y dépose un baiser léger. Impossible à présent de ne pas prendre les deux secondes nécessaires pour poser son pareil sur sa bouche entrouverte... Chuchottis à son oreille, ma voix est cassée par l'émotion.

- J'ai eu si peur... Tu étais tout près d'elle, et elle... Merci...

Mes lèvres tremblent, il faut que je me concentre sur autre chose que l'image de Maël aux prises avec la force implacable de Dragonnia (mais d'où me vient cette connaissance ?). Amadeus me parle, justement. Parfait, juste ce qu'il me fallait. Je me tourne vers lui tout en me rapprochant de mon refuge. Là, la hanche et l'épaule contre le corps de Maël. Mes battements de coeur s'apaisent...

- Je ne sais rien de cette Irène... (je souris à demi) Eclipsée, dites vous ? A plus d'un titre, oui, car mes souvenirs sont bien maigres... Je ne me rappelle plus rien de ce qu'il s'est passé après que... quand l'Ombre m'a... Enfin soit, je ne me souvient que d'un lieu sombre, mais c'est très confus. J'ai repris connaissance dans ce pavillon, je crois... Un endroit aéré, clair, d'une beauté étrange et éthérée... Il y avait un homme, très grand, aux yeux clairs... C'est bien ça, Hombeline ? C'est celà que vous nommez le Pavillon ? L'homme m'a portée jusque chez Cornelia. Il m'a promis les réponses à de nombreuses questions. Mais je n'en ai obtenu aucune, jusqu'à présent...

Cet homme. Je me souviens de sa douceur et de sa force, et de l'espèce de détachement avec lequel il me considérait. Il m'a portée comme un objet fragile et délicat. Je regarde mes poignets meurtris... Quand ai-je récolté ces blessures ? Les plaies sont refermées, mais encore un peu douloureuses. Que s'est-il passé dans le lieu sombre ? Les images me fuient, mais le visage de Dragonnia s'impose à moi de plus en plus...

- A part cet homme et Cornelia, je n'ai rencontré personne en ces lieux. Ni dans la salle d'armes, ni dans le pavillon... Cette Irène est probablement ailleurs. Mieux vaut se mettre à sa recherce avant qu'un autre des suppôts de l'Ombre nous tombe encore dessus...

Insistante, j'attire Maël vers la porte ouverte. Le corps abandonné de Dragonnia m'inspire un malaise de plus en plus précis... Nul ne sait combien de temps elle va rester inconsciente, mais je doute que de simples cordes la retiennent longtemps...

- Peu importe pour où mais partons au plus vite ! Cet endroit me donne la nausée...




(HRP suite où vous voulez mais barrons-nous !!!! Salon de musique, tiens ! Ca adoucit les morts !)

Oui, partons... rester ici ne me dit rien qui vaille...


Je prend hombeline par la main, je ne desespère point de etrouver toute l'affection de son regard à mon égard, j'invite nos compagnons à nous suivre... Je pénètre dans le couloir à pas de velours, surveillant chaque recoin....



[salle de musique alors..]

Qu'on s'en aille oui... Pas juste pour se calfreuter dans une pièce mais hors de ce village.

"Oui Angéline... nous parlons bien du même homme, celui là-même qui m'a demandé de retrouver Irène... Je croix que vos réponses et Irène se regroupent."

Amadeus me prend la main cherche mon regard. Mais pour y lire quoi ? qu'attend-t-il de moi. Cette question je la lui poserais plus tard, en attendant je me laisse guider par lui tandis que nous quittons cette pièce sans un regard pour cette triste femme qui restera seule à jamais, sans personne pour soulager ses souffrances...

(direction ---> salle de musique)

Les minutes sont devenues pour moi le symbole de l’éternité, j’attends et n’entends rien. En temps normal j’aurais soulevé très légèrement une paupière pour ne laisser filtrer qu’un petit rayon de lumière et aurait étudié la pièce avec une placidité olympienne. Mais là, je ne dois compter que sur mes oreilles. Le pire c’est qu’il n’y a peut-être plus personne dans la pièce, ils me le paieront de m’obliger à rester ainsi dans une immobilité parfaite.

Les cordes qui m’enserrent les poignées commencent à me faire mal. Je décide de laisser tomber l’immobilisme et ouvre soudain les yeux tout en tentant de faire glisser mes poignées en dehors des bracelets qui les ornementent contre mon gré.

J’arrête tout à coup tout mouvement, surprise par l’apparition d’un minuscule point lumineux à hauteur de mes yeux. Je fronce les sourcils et me concentre sur cette lumière, mais elle a disparu, c’est à nouveau l’obscurité totale.

Intriguée, je reprends néanmoins mon activité, je sens la brûlure de la corde sur ma peau, ces liens sont trop serrés je n’y arriverai pas comme ça. J’approche les mains de ma bouche et tente de couper les liens avec les dents. Je m’acharne contre la corde quelques instants mais y renonce bien vite.

Je laisse retomber mes bras sur mes genoux et pose la tête contre le dossier du fauteuil. Cette lumière est à nouveau devant mes yeux… Je ne bouge plus de peur de la voir disparaître à nouveau. Pas une paupière ne frémit. Je reste de longues minutes à fixer cette lueur et tout à coup c’est la déchirure, les ténèbres viennent d’être lacérées par un rayon blanchâtre. Les yeux me brûlent, j’ai envie de les fermer, je les garde obstinément ouverts.

Je porte ma main devant les yeux. Ma main ! Comment ça ma main ! Mes liens sont brisés, je peux à nouveau bouger librement. Je n’y comprends plus rien, je porte instinctivement mon regard sur ma main gauche restée sur mes genoux. Je vois une tâche marron, je n’ose y croire, je commence à discerner des formes. Je tourne la tête lentement et vois des ombres passer devant moi. La fenêtre doit être là, c’est là que la lumière est la plus vive.

Je ferme les paupières quelques instants puis les rouvre à nouveau, la lumière est toujours là. Je me lève alors, je marche vers cette lueur qui m’appelle, puis m’arrête soudain. Un flash vient de surgir de nulle part puis c’est le noir complet. Je ferme les yeux, les rouvre, panique, je ne vois à nouveau plus rien. Les larmes envahissent mes yeux puis se mettent à couler sur mes joues. Nouveau flash, je vois alors une boule blanche et une multitude de points lumineux qui l’entourent. Je m’approche encore, la lune s’encadre dans la fenêtre. Je vois !!

Mon cœur saute dans ma poitrine, je me retourne alors et rencontre le regard de Mael. Un sourire mauvais se dessine sur mon visage.

Vous êtes resté me tenir compagnie !

Je me rue sur la porte, la ferme et m’adosse au battant.

C’est fort sympathique de votre part. Où en étions nous de notre petite conversation ?

Angeline vient à moi, icône de compassion. Ses lèvres légères tels les ailes d’un papillon, viennent se poser sur les miennes. La chaleur de ses mots résonne au creux de mon oreille. Elle vient se lover contre moi. Instant de délice, j’hume le doux parfum de ses cheveux, enroulant une main sur sa taille si fine, si suave.

On s’anime autour de moi, mais déjà je ne prête plus attention à cette agitation, encore moins au brouhaha ambiant. Je coule un regard vers ma victime.
Qu’ai-je donc fait ?
Je contemple le corps dangereux de Dragonnia, soudainement si vulnérable.
Avais-je une autre solution ?
Oui bien entendu… Je ne sais pas, mais il devait exister autre chose.

Mes yeux plongent dans le néant de mon passé. Souvenir lointain, affres du remord. Mes jeunes années dans un bouge sans non, histoire coupable d’un orphelin, fugueur d'un orphelinat qui l’hébergeait. Difficile apprentissage de la survie dans le rude milieu urbain, l’ensemble de mauvaises rencontres qui ont infléchis la courbe de ma destinée. ‘La Main Noire’, la guilde des voleurs m’a recueilli et appris une vie de larcin. Petit pickpocket sans envergure, sans talent, il m’a fallu improviser, apprendre une autre technique…

La main chaude et apaisante d’Angeline glisse entre mes doigts, déjà elle s’éloigne... Ailleurs, loin de moi.

Je jette un dernier coup d’œil à Dragonnia, en grande partie masquée par le dossier du fauteuil, sa tête dodeline au rythme de sa respiration lente et calme. Elle semble en paix. Soudain, un mouvement attire mon regard, ses gestes ne sont pas gourds. J’observe le manège de l’aveugle, intrigué. Non, il ne s’agit pas d’un réveil mais tout simplement d’une inconscience feinte. Un éclair d’incompréhension me frappe.
Pourquoi nous abuser ? Quel est son but ?

Elle se lève, c’est la fin de sa mise en scène. L’aveugle est-elle seulement consciente de ma présence ? Ses gestes se font plus rapides, plus vif… La porte claque, le son clair se répercute de mur en mur…

Piégé ! Me voilà seul enfermé avec un cauchemar ambulant. Son regard cruel me découpe déjà, son sourire carnassier ne laisse rien présager de bon pour mon avenir. Sa cécité n'était elle aussi que subterfuge ?

Avais-je le choix ? Je ne le sais… Au moins maintenant mes amis sont en sécurité… Ma stupidité aura eu raison de moi.

Je recule, ai-je seulement une autre solution. Je réponds à ses yeux mauvais par une grande résignation. J’ai eu ma chance, je l’ai laissée passé. Je suis prêt à affronter ma Némésis…

Mais pourquoi mes jambes reculent-elles ?
Mon dos, mes paumes se posent contre la surface glacée de la grande baie vitrée. Un coup d’œil par la fenêtre. Un vertigineux dévers de plusieurs dizaines de mètres avant le sol en contrebas…
Ce n’est peut être pas l’option à privilégier, pour le moment.

Je reporte mon attention à Dragonnia, un pâle sourire zèbre mon visage.
Vous me disiez que vous aviez un grand besoin de faire une pause, aussi je vous suggérais d’en faire une sans attendre.

Je ne le sais, peut-être aurais-je dû l’achever pendant qu’elle était à ma merci.
Maintenant, je suis face à une bien sinistre réalité. Aucune échappatoire, la porte n’est pourtant qu’à quelques pas, mais sa proximité me parait soudain si lointaine. Elle est éclipsée par une silhouette langoureuse qui s’approche avec une innocence feinte. L’expression froide et cruelle, et finalement presque lascive de l’étrange femme me donne des frissons dans le dos. Dans sa danse, elle m’observe, me jauge, moi sa proie, elle la prédatrice étudiant les moyens de me disséquer sans toucher le moindre organe vital.
Sa voix se fait suave, chaleureuse. Ses mots, eux me laissent entrevoir un funeste avenir.

Sans affrontement, sans heurt, elle m’agrippe. Forte de sa supériorité, elle se joue de moi, se poste comme sur un amant qu’elle domine. Je sens ses doigts glisser sur la soie meurtrie de mon torse, puis sa main, mortel étau, se poser sur ma gorge. Des griffes intimidantes caressent mes jugulaires. Elle abandonne un baiser, baiser de Juda sur ma joue. Dégage son visage de mes cheveux, son souffle glacial s’entrelace au mien, son regard métallique se rive.

J’ai peur. Oui ce terrible sentiment que je connais si bien. Lui, qui m’a emmuré dans une passivité impitoyable, je sens ce compagnon maudit poindre en mon cœur, s’insinuer en ma poitrine et m’enserrer de ses sombres tentacules.
Dragonnia, elle, plonge en moi, se nourrit de cet effroi.

Physiquement, je ne ferais pas le poids, la cruelle créature, depuis son changement d’allégeance, n’a plus rien à voir avec la frêle et fragile jeune femme qu’elle était…

Elle me susurre des mots aux intonations si douces... des mots de discordes. Telle une invitation à m’humilier, elle me souffle peut être un espoir, celui d’abandonner tout ce dont je suis, tout de cet être si nouveau que je découvre, de renier jusqu’à ce sans blanc d’honneur retrouvé. Pour ainsi devenir son serviteur, me soumettre à son univers.
N’y a-t-il aucune rédemption pour les vils personnages de mon espèce ? Je la fixe hypnotisé par les yeux de mon bourreau.
Peut être sera-t-elle la dernière chose que je contemplerais de ce monde… ce n’est pas la vision la plus désagréable, certes il y a cette lueur malsaine au fond de ces prunelles.
Son autre main glisse sur ma barbe naissante, elle me presse les joues, m’infligeant une mou contrainte. Puis d’une poussette de deux de ses doigts, me fait tourner la tête telle une poupée de chiffon.

Je l’observe, désabusé. Bientôt, je la vois mais ne la regarde plus. Mon corps n’est que la muraille dans laquelle s’enferme mon esprit, hermétiquement dans son coffre-fort de chair.
Je laisse déambuler mes pensées, vers un néant… vers le grand vide intérieur qui m’habite. Ma vie ne vaut pas grand-chose, j’espère que ma mort se fera dans une dignité apparente, dans l’expiation de mes tords.
Existe-t-il seulement une chance pour mon âme d’aller vers quelque chose de meilleur ?

Jamais ! Je ne trahirais pas ni les miens, mes amis, aussi nouveaux soient ils. Et toi, Angeline encore moins. Je ne supplierais, ni ne demanderais grâce, en aucun cas, je n’envisagerais de te rejoindre, toi mon boureau, sur ton obscur chemin. Non, jusqu’au bout je dois… me battre.

Ma main meurtrie par la lame de l’épée, va heurter rageusement le carreau sous ma paume. Un bris léger… Le vent glacial emporte des flocons qui viennent se nicher sur mon avant-bras. J’enserre un fragment, poignard de fortune. La fragile lame d’espoir vient entailler le poignet de Dragonnia. Le sang, écarlate liquide, coule abondamment. L’étreinte de ses doigts se meure.

Mon seul salut sera dans la fuite…

Je sens soudain une légère douleur élancer mon poignet droit, je desserre instinctivement mon étreinte et regarde le sang s’évader de mon corps puis tomber en cascade sur le cou de Mael.

Ce sang frais me rappelle des souvenirs enfouis dans ma mémoire. Mon regard se noircit soudain, tout mon visage n’est plus que haine. Ce n’est plus Mael qui est en face de moi mais cette bête immonde qui a voulu me tuer pour me vider de mon sang.

Tu n’aurais pas dû faire ça !

De ma main gauche j’enserre le poignet de mon agresseur et serre avec toute la rage dont je suis capable. Ses doigts lâchent le morceau de verre coupant que je m’empresse de récupérer. De ma main ensanglantée, je lui agrippe le col et l’arrache de la baie vitrée, je l’entraîne vers le lit puis le pousse violemment. Je récupère l’objet tranchant dans ma main droite et enjambe ma victime.

Mon sang continue à couler à flot, je n’en ai cure. Bientôt il ne sera plus possible de distinguer à qui appartient le sang qui jonche son thorax.

Mes dents serrées laissent passer un filet de voix lugubre.

Ankoku tu m’as trahi, je vais te tuer !

J’approche la lame de son cou, lentement. J’ai tout mon temps, il est à ma merci.

Son sang me macule, elle me foudroie de son regard le plus sombre. L’alitement contrait, la femme rageuse me surplombe, fuir m’est désormais impossible. La brusquerie de ses mouvements sont l’égales des manière qu’avaient employer le vampire avec moi. Je me débats de toutes mes vaines forces.
Crier ? Pourquoi faire, amener mes compagnons dans ce traquenard.
Je tente de bloquer la lame de verre. Elle balaye mes bras comme un fétu de paille, les replace, les enserre de ses cuisses. J’en suis à me tortiller, battre désespérément des jambes, mais finalement, je ne peux plus rien faire. La colère et la peur laissent la place à la résignation.
Que puis-je faire de plus ?
L’éclat ensanglanté me caresse le cou, promesse de milles souffrance.
Je détourne la tête, fixe un point lointain, vague. Je ne veux pas qu’elle lise toute la terreur qui me hante, ma mort est proche et pourtant je sais que je vais avoir le temps de la souhaiter ardemment.
Que me restera-t-il ? Une pointe d’orgueil, celle de l’affrontement silencieux qui s’annonce.

Le visage à demi plongé dans les draps, une voix presque désabusée souffle pour moi-même.
Tu te trompes d’ennemis.

Prêt à subir la sentence, je plonge mon regard dans le sien à moitié dément. Ultime défie, je la fixe empli de détermination, d’une bien futile fierté. Mes mâchoires se crispent. J’appuie mon cou sur la verrerie, laissant ma peau s’entamer sous le fil de cette lame déjà maculée, mêlant mon sang au sien.
Je le sais, si je presse d’avantage, je mettrais brusquement un terme à mon supplice, m’offrant une fin digne, la privant aussi de ce plaisir sadique que je lis dans ses yeux.
J’enserre davantage mes maxillaires, tant pour me donner un dernier élan de courage que pour laisser couler la douleur en moi.

Une vague de tristesse et de résignation m’empli.
Angeline pardonne-moi.

Une dernière pression plus vive et tout sera terminé…

La colère s’en va un peu de ses yeux, bientôt, elle m’ordonne de lui répondre. Je l’observe un brin étonné.

N’a-t-elle donc pas compris ?
Je souri sans joie,
Ainsi la créature t’a doté d’une grande force, mais tu ne comprends toujours rien au genre humain.
Je l’observe silencieux un moment, reporte à plus tard ma fin calculée. Elle semble trépigner d’impatience, elle attend ma réponse. Elle, qui me domine de tout son être, à cet instant me laisse à mon tour le pouvoir, celui basé sur le choix, mon choix. Je pourrais me jeter sur l’écueil de verre à cet instant précis et de la laisser dans son ignorance à jamais…

Voyons ton ennemi n’est autre… que toi-même. Tu as choisi cette existence de servitude. Penses-tu vraiment que le réel pouvoir se trouve dans la force physique ? Crois-tu que c’est à ce prix que tu obtiendras ce que tu désires ?
Quand tu es arrivée dans ce village, tu étais vulnérable et affamée. Ta seule inquiétude était simplement dans la sustentation de ta faim, de ta vie faite probablement d’errance.
Ma vie de pêcher m’a apporté quelques qualités d’observation, aussi il m’a été facile de lire dans cette femme cachectique et si avide. Elle bluffait, il ne m’était aucunement nécessaire d’être un grand escroc pour le constater.

Maintenant, certes tu es à l’abri de ce genre de difficultés, mais à quel prix ?
Mon regard s’emplit de désillusion, regret qu’elle ne pourra sans doute jamais avoir. Malgré quelques doutes qui hantent encore sa condition.
Quel gâchis !
Je laisse échapper un soupir profond, secouant la tête.

Lorsque tu disais que tu étais las et que rien de bon ne t’était arrivé depuis ton arrivée à l’hôtel… Je t’ai crue… Mais soit… Tu es cette créature, probablement incapable de compassion, mais qu’importe…
Bientôt, je n’aurais plus rien à faire de tout ceci.

Les bourrasques de bise s’engouffrent dans la petite ouverture du vitrail, la lumière vacille, il ne reste plus qu’une bougie allumée, qui lance dans la pièce une maigre clarté.

Touché, et même blessé.
Ce n’était pas l’effet escompté mais au moins cela prouve qu’il demeure une parcelle d’humanité en elle. Ses gestes sont empreints d’une certaine douceur même. Ses yeux semblent en proie à un grand trouble. Je la regarde, elle se retourne sur le lit, me fait dos. Je l’ai blessé même davantage que ce que j’aurai pu croire.

Elan de tendresse inexpliqué envers celle qui me promettait une terrible destinée, je me penche sur elle et dépose un baiser sur sa joue. Il me semble y voir briller dans la pénombre, une larme.

Je me redresse et lui souffle, plein d’amertume de l’avoir si durement malmené.
Peut-être avez-vous encore le moyen de faire marche arrière. Renoncez au joug de l’Ombre et venez avec nous, fuyons cet endroit maudit.

Je me lève et fait le tour du lit, déchire un pan de ma chemise et m’en sert comme pansement de fortune pour arrêter le saignement que j’ai moi-même occasionné chez la jeune femme.
Son cœur de glace fond comme neige au soleil, les larmes zèbrent son visage soudainement plus humain à mes yeux. Je balaie ces gouttelettes du pouce.
Pour tout cela, je suis sincèrement désolé.

Je m’éloigne de quelques pas, me retourne dans un sursaut. J’affiche un visage anxieux, secoué par la lueur de la bougie qui illumine si faiblement les lieux. Je lui parle d’une voix calme et posée, un brin désabusé…
J’ai connu un escroc, un moins que rien qui est arrivé en même temps que vous dans ce village. Il traînait avec lui une existence de vilainie et de pêchés… et pleutre par-dessus tout. Cet homme a changé est se trouve dans cette pièce avec vous. J’ai commis bon nombre d’erreur par le passé, je souhaite les rachetés. Je vous en prie laissez vous une chance, aussi mince soit-elle, vous la méritez.
Nous ne sommes pas ce que notre caste nous dicte, nous sommes ce que nos actes disent. Il n’est jamais trop tard pour revenir en arrière.

J'étudie une dernière fois son visage attendant éventuellement une réaction de sa part.
Une dernière chose, j'ai omis de me présenter. Je m'appelle Maël.
Car c'est ainsi que l'on me prénomme désormais...

Un sourire illumine mon visage, je suis heureux d’avoir su lui faire entendre raison, mais surtout, je suis heureux qu’elle décide de prendre sa destinée en main.
Je reviens sur mes pas arrivant à sa hauteur, l’aide à se relever avec douceur, puis la regarde longuement avant de lui souffler.

Non, nous allons fuir ce lieu. Il ne tient qu’à vous de briser les chaînes de la servitudes, je vous y aiderais autant que je le peux.

Maintenant, venez avec moi. J’ai hâte de retrouver mes compagnons… nos compagnons.

La prenant par le bras, je l’amène avec moi, nous sortons de cette chambre si propice à nos tourments.

[HRP : A la recherche du reste du groupe]

Un sourire illumine son visage puis je le vois revenir vers moi. Il me prend la main délicatement et m’aide à me relever. Il me dit de le suivre, je me laisse faire.

Pendant qu’il ouvre la porte je me retourne pour regarder une dernière fois cette pièce qui aurait pu être le décor d’un drame.

Il m’entraîne dans le couloir, je voudrais lâcher sa main, rebrousser chemin, ne pas avoir à affronter le regard des autres, je la garde dans la mienne.

[salon de musique ]

[from la pièce commune]

Hop lààà.. alors, moui. Une penderie.. Fouillons donc..


Boaf.. bof bof, non, là j'ai l'air d'un idiot, ça c'est moche, ça ne me va pas au teint... Sang et fumée ! Si je dois me conduire en champion, ce ne sera point habillé en vulgaire serf milles furies...

Là ?
mmmh.. Oh oh, petit tiroir dérobé, hé hé hé, pas maaaal, tunique précieuse, hop, je prend, chemise blanche avec lacets, étoffe noble...
Aaah.. Ce pantalon n'est certes point du meilleur goût mais il est assorti est idéal pour crapahuter dans des souterains...

Hop, hop, oui oui, je prend, et ça...
Ah oui ! Un galurin, bien entendu ! Ce couvre chef va me conférer toute l'assurance et le charisme nécessaires à la suite des opérations..

Je me pavane, bombe le torse, passe devant un miroir, sourit... Je brandit la dague, me donne des airs de chevalier... Paaarfait !

Je suis prêêêêt !!! Descendons, et m'est avis que ça va chauffer dans le sous sol milles furies !!

Incorrigible Amadeus, toujours attaché à l’attrait des autours. Le voilà fagoté d’une façon des plus extravagante. Le voilà cherchant dans nos regards quelques approbations. Je n’ai le cœur de briser le moral ronflant de mon compagnon aussi, un sourire presque attendri et un hochement de tête suffiront à le convaincre.

Il n’empêche que torse à l’air, je ne me sens pas dans les meilleures dispositions. D’autant que les efforts, l’épuisement et le tourbillon d’émotions ont eu raison de ce qui restait de ma toilette. Je ne souhaite tenir éloigner ma tendre à cause d’une excès de musc, de poussières et de sang le tout mêlé. Bref pour parer à tous désagréments, il me faut me munir d’un pourpoint, aussi je ramasse une des chemise délaissé par le nobliau. Désuète liquette de lin, résistante à souhait et surtout propre…

Bien quand vous voulez…

[on descend quand vous voulez]

Amusée, j'observe "mes" hommes en train de fouiller les possessions de l'occupant disparu de la chambre. Amadeus est comme un poisson dans l'eau, virevoltant au milieu des soieries et des dentelles dénichées Dieu sait comment. Maël se contente de ramasser une chemise plus modeste. Au geste qu'il a pour se la passer au-dessus de la tête, je vois ses flancs se creuser, les muscles de ses épaules saillir... L'ombre de l'embrasure de la porte où je me tiens cache fort heureusement l'âpreté de mon regard.

Voilà. Ils sont prêts. Presque. Disons que le col de la chemise de Maël pendait un peu à gauche, et disons que c'est pour ça que je me suis approchée de lui. Disons que le col redressé était si près de sa joue que ma main a été obligée de la frôler. Et disons... rien. Ne disons rien. Une seconde, un geste, un baiser léger comme un souffle. Ca me suffit. Pour l'instant. Mais c'est difficile, tellement difficile de m'écarter de lui. L'ombre complice dissimule mon trouble et le rouge de mes joues.

Nous repassons la porte, et redescendons le couloir. A gauche, puis à droite. Nous connaissons toutes ces pièces, déjà. Reste ce couloir sombre, cet escalier. Et au-delà... Qui sait ?

Je serre la main de Maël, me colle contre son bras, apeurée soudain. Je cherche le regard d'Amadeus, où la force et la ferveur brillent toujours.

Il est temps. Nous descendons l'escalier.

[direction les souterrains...]