Au pied des arbres - Le festin

J'ai les yeux éteins, pourtant je vois la jolie brunette au dessus de moi. Je suis dans un néant sans fond et pourtant je la vois et je l'entends…

Ne t'inquiète pas jolie poupée…
Ne me retient pas…

Je suis presque surprise d'entendre ma propre voix, comme si le son m'avait échappé trop longtemps pour que je m'en souvienne.

Je pars… je crois…
C'était ridicule un peu…
Pour un caillou…
Pour un caillou au doigt…
Pour quelques étoiles à ma main…

On m'attire, on m'agrippe par la main dans une farandole irrésistible.

Dis-lui que ce n'est pas sa faute…
Dis-lui de ne pas s'obstiner…
Dis-lui qu'elle a de très jolis yeux…
Dis-lui qu'il fait le meilleur chocolat chaud que j'ai jamais bu…
Dis-lui…

Tout ces gens avec qui j'ai été dure, toutes ces personnes que j'ai écrasé d'un simple regard, je ne suis pas fière…

Ai-je donc été si mauvaise, jolie brunette?

Demande-lui pardon pour moi…

Il est temps. Je sens qu'on me retient, mais je retire ma main de l'étreinte mal habile. Je suis la ronde rieuse qui déjà m'entraine.

Je pars sans regret…

James se lève mais leurs mains restent unies. Il semble gêné, intrigué plutôt. Son regard est furtif. Il examine les autres, ceux qui se battent, ceux qui s’entretuent, ceux qu’elle n’a même pas regardé, tant elle habituée à ce type de comportement.

Il revient sur leurs mains nouées après lui avoir servi quelques excuses du bout des lèvres. Un ton qui ne trompe pas, un ton qu’il tente de rendre froid, dur, un ton qui dit qu’il se barricade pour ne pas souffrir, pour ne pas montrer qu’il souffre à l’intérieur.

Elle pose ses yeux sur la blessure, et répond à sa question.

Il faut soigner ta blessure, tu as perdu beaucoup trop de sang. Viens, viens nous allons trouver un linge bien propre et nettoyer cette plaie qui s’infecte.

Elle relève les yeux vers son visage et lui sourit.

Ne t’excuses pas … L’ignorance est cause de beaucoup d’injustice.

Elle rabaisse les yeux lorsqu’elle sent sa vue se brouiller puis reprend d’un air le plus enjoué possible.

Peut-être que nous trouverons notre bonheur dans l’une des habitations à côté. Qu’en pensez vous Vince ?

Je suis brusquement arrêteé, Sibylle, si près et loin de moi qui ne répond pas à ma présence. La femme blonde dont la vie s'étiole sous nos yeux. Un instant brève seconde, je concentre mon energie dans cette putain de saloperie de talisman. là, j'y croie dur comme fer à béton. On va la sauver la donzelle chibrée des yeux. Mais rien, je suis tout seul, ma sorcière est tout près, et pourtant si loin.

Secondes qui s'étiolent qui laissent la mort se jouer de nous et se moquer, la camarde qui ricane ! le bijou brule dans le creux de ma main. Aide-moi, Sibylle, elle a l'air si loin, si froide, toute entière tournée vers la moribonde. Sans elle pourtant est-ce que je saurais jouer avec ce machin-là ?

C'est étrange, on est tous là autour de la duchesse, je me suis rendu compte que Rick m'a suivi tout à l'heure. Le trapp en fond qui répete à qui veut l'entendre qu'une gifle... Sibylle qui entoure de ses bras la duchesse. Rien ne se passe. Merde... Comme si le Oôg voulait rien de moi. Et puis tout d'un coup, comme ma conscience qui s'ouvre, les voix souterraines des deux femmes qui se réverbèrent dans des cavernes lointaines. Le cambrioleur aux lamentations syncopées. Et rick..

Rick qui hurle, je sors, ou je reste ? je reviens ou je pars ? Ma main brule et le talisman qui rougissait, se refroidit déjà. Je n'ai pas réussi ! La vie est partie et moi j'ai l'air d'un con. Donneur ? Mon cul... J'ai rien d'un donneur, je suis un foutu fils de pute, "marie la bretonne" née à saint malo.

J'ai deserté mon poste à vingt ans, abandonné patrie et tout le toutim. Je me suis fais ruffian et salopard sur toutes les mers du globe, là où on emmerde ceux qui construisent la vie avec des bornes, des briques et des barrières. J'ai tué trop souvent, et je me fous de tout. Alors pourquoi la mort de cette femme qui représente rien pour moi me secoue comme un vieux torpedo ruiné ?

A cause de celle qui souffre, toute vive, mais froide, ma sorcière brune ? Celle qui retient le corps allangui dont les signes, hormis le sang sous son sa tête dorée, ne laisse présager la mort. Va te faire ! La fatigue aussi peut-être. Voix rauque pour Rick qui a brisé la seconde où tout aurait pu être différent.

" Pourquoi ? tu m'as arrêté ! On aurait pu la sauver. "

Mais, le marin n'attend pas vraiment de réponses. non, ses yeux d'un bleu outremer ont viré au noir le plus profond, qui fixent l'homme qu'il juge responsable de cette horreur. Voix cinglante et froide. Aucun muscles qui bougent, pourtant tout l'afflue nerveux se concentre comme les félins en attente.

" Cela ne te suffit pas que cette île nous achève les uns après les autres ? Tu frappes une femme ? "

Les voix autour, j'ai du mal à les situer, je cherche celle d'Iris mais je ne l'entends plus, c'est le vide à la place de sa voix, c'est trop vide et j'ai toujours eu du mal avec le vide...
Ca m'aspire...
Alors je m'accroche à ce que je peux, je m'accroche aux voix.
Corso est en colère, il est en colère et moi, je la sens qui roule dans son ventre comme une vague de pétrole lourd, celui qui ne flotte pas, celui qui coule et s'accumule au fond de l'eau en masses noirâtres et huileuses. Il est en colère contre Rick, qui l'a arrêté, il est là le jeune type, un peu secoué, abasourdi, et la vieille femme qui vient d'arriver. L'objet est dans sa main, le Oôg, il est froid et terne, et Corso est furieux, l'échec, la mort, il est furieux contre Rick, il est furieux contre lui-même...
Il est furieux contre Trapp qui reste bras ballants et qui reçoit sa rage comme une gifle, est-ce qu'elle va le tuer cette gifle, attention Corso, les gifles c'est plus dangereux qu'on ne croit...

Je me redresse, encore toute flottante de ce vide qui n'a pas encore fini de m'appeler, j'accroche son bras, j'essaie d'accrocher son regard, mais il foudroie Trapp de sa colère, toute la colère qu'il jette sur lui, il va l'achever, c'est pas sa faute, c'est pas sa faute, c'est elle qui me l'a dit...

Et moi j'ai vu assez de morts comme ça.
Tara, et maintenant Iris.
Bien assez de morts.
J'avais beau ne pas les connaître, je ne veux pas en voir d'autres...
C'est pas sa faute...

C'est pas sa faute Corso...

Quelle petite voix ridicule...

Il se défendait seulement...
C'est pas sa faute...

Tiens, si, je pleurais, en fin de compte...
C'est pas une raison pour ne pas m'écouter, Corso, je t'en prie, écoute...
Ecoute ce qu'elle m'a dit...
Elle voulait lui demander pardon...
C'est pas sa faute, Corso...

C'est un accident...
Laisse-le...

J’assiste à la scène, je suis toujours dans le vague, le flou embrouille et brouille ma raison.
Je le vois lui que je ne connais pas ou si peu, et qui me ressemble.
Je sais encore reconnaître un escroc et lui a les cuisses aussi propre qu’un maque sous un vol de pigeon.
Il m’accuse lui et elle Sibylle, elle défend ce qu’elle croit juste.
Te pose pas en défendeur des causes perdues, je sais ce que j’ai fait.. une gifle, une putain de gifle.
Et merde, cette île aura ma peau.

Et cette vieille la, c’est qui, qu’est-ce qu’elle veut encore..

Sur le sol, je distingue une pierre ensanglanté…
Pas besoin d’avoir fait l’ENA pour trouver une conclusion acceptable. Cette folle de duchesse s’est fracassée le crane en voulant m’étrangler, et moi je suis le coupable idéal. C’est si facile au fond, je paye par les formes, par l’abus de mes petits extra, et la nécessité de trouver un coupable.
Si j’avais le porte-feuille rempli de billets et l’allure col roulé et cul serré, on dirait que c’est la faute à pas de chance, mais là, pas de chance c’est moi.

Je réalise peu à peu que je n’ai pas tué la duchesse, que c’est sa propre folie qui l’a tué, et certainement pas une petite gifle qui n’a fait que décoiffer sa chevelure.

Toi, tu commences à me chauffer les méninges et à engourdir mes oreilles…

Cris encore et je te fous mon poing là où ça fait si mal, que tu vas appeler ta maman pour soigner tes petits bijoux de famille…

Malgré ce que j’ai vu, la pierre, le sang… je reste sans voix, incapable de réagir, et de mettre un terme à ces accusations.
Si je n’avais pas piqué sa bague…
Ouais, ça c’est ma faute.

Esprit brouillé, esprit qui s’échappe ... Nous sommes proche de Mère, silencieuse, pensive ... Nous sommes là, comme des pions à attendre dénouement ... Attendre la mort, elle sera plus douce que la torture de mes pensées ! S’engouffrer dans l’obscurité ... La mort qui étend sa toile autour de nous ! Abandonner la vie qui sommeil en moi, en nous ...

Ambiance mortuaire, une bagarre et une âme qui quitte son corps, s’envoler vers la plénitude ... Duchesse, vole et va toucher la lumière qui t’enivre, ainsi tes peines n’existeront plus ! La vie aussi volage qu’elle est donnée, fini toujours par s’en aller.

Plus rien ne compte ici, même l’essence fini par être soudoyée, le choix de s’en aller, ou de rester, quel est le bon choix ? Se laisser guider par les anges, ou se laisser traîner par les démons qui veillent sur quelque faiblesse donnée. L’envie de se battre pour une porte de sortie, n’est point nécessaire, plus maintenant ...

Vie emprisonnée par la nature du lieu, condamné à errer sans jamais trouver refuge dans un autre passé. L’avenir comment le visualiser ? Comme un trou béant qui nous aspire, qui m’aspire, rien ne me retiens.. Rien ne m’appelle, plus rien !

Dernier espoir pour s’accrocher, je ne le vois plus, je ne le ressens plus ... Fini ma vie, les espoirs qui s’envolent comme des papillons pourchassé en quête de destinée !

Je reste là, à observer comme si je quittais déjà cet endroit, incapable de faire quoi que ce soit, incapable de bouger ! Juste l’Effroi qui me retient éveillée. Regardant sans puissance ce qui s’écoule devant mes yeux ! Un pas ? Pourquoi faire ? C’est déjà trop tard ... Un homme qui pourrait se sentir coupable d’avoir agi, de s’être défendu.. Le fond de sa pensée pourra peut-être le soulager !

Insignifiant souffle qui rempli ma gorge ... Je n’ai plus envie de me battre, juste partir vers un autre monde toucher du bout des doigts un vaillant espoir qui pourrait se réveiller ... Je n’y arrive pas, je n’arrive plus à m’encourager pour avancer ! Le faut-il vraiment ? Probable ...

Arrivée à la table je m'éteins, enfin pas tout à fait, je garde la partie motrice du cerveau qui fait bouger les mains et la mâchoire, en deux mots je bouffe !

Des fruits inconnus hop avalé, avec le jus qui dégouline tout partout regardez ça messieurs !

Un peu de viande par là, pas questions de faire attention à ne pas mélanger sucré-salé-acide-amer...

Franchement ? je m'en fou royalement, tant que c'est mangeable je prend Et puis hein à la fin tout atterrit dans le même sac.

Soudain ça s'agite un peu derrière, m'en fou je mange moi et quand je mange rien d'autre ne m'intéresse, le ciel pourrait me tomber sur la tête je ne lâcherais pas le morceau appétissant que j'ai entre les mains.

Toutes bonnes choses a une fin, mon estomac aussi, rassasié à en exploser, j'arrête mon repas, toutes ces choses que je n'ai pas encore goûtés, pffff quel gâchis !

Le temps de m'essuyer un peu, et me voilà appuyée contre la table a épier l'assemblée présente.

Et là.... Et bien oui, ça passe pas inaperçue ça, même à mes yeux, la duchesse qui fait semblant, non mais vraiment à un certain niveau on arêtes ces jeux débiles voyons !

Vous me décevez sincèrement !

Et l'autre qui se morfond sur son sort tssssssssss, et moi qui.... non rien

J'ai dis non rien ! non il ne me fait pas de peine, non j'ai pas envie de le prendre dans mes bras et le réconforter de mon mieux, et non je ne suis pas là debout à ses cotés, avec chaque centimètre de mon moi, qui appelle le contact de sa peau, j'ai dis non !

La main sur son épaule le regard cherchant celui de Sybille, pour y puiser un peu de gentillesse, les genoux qui craquent quand je me baisse,

Trapp....

Et c'est tout ? eh bien oui, j'ai l'air fin à ne rien dire pffff, la bouche entrouverte mais rien ne sort !

Son regard qui crie, le mien qui s'y accroche

Chut...

Mélange de bras, de peau, deux personnes, une forme.... difforme.

Je l'avais peut être mal jugée après tout...
Non, c'est plutôt moi qui ai agit comme un véritable con.
Je n'arrive pas à décrocher mon regard du corps sans vie.
Elle est morte... Oui, plutôt elle que moi...
Mais si c'était moi à sa place ?
Si j'avais déconné jusqu'au bout cela aurait très bien pu dégénérer entre Vince et moi...
Non, il ne faut pas que je m'attache...
Mais ne pas m'enfermer dans une bulle, ça ne m'apporterai rien.
Je regarde les hommes se bouffer le nez, en cherchant un coupable.
Le corps de la jolie blonde est encore chaud et c'est limite si il ne la piétine pas.
Non, je ne veux pas de ça.
Ils sont pire que moi...
Je regarde à présent Graceela.
Ma blessure à la main me fait mal, mais il y a plus important.
Je la regarde l'air grave et soucieux.

- Je suis désolé Graceela... Mais pas pour le moment...
Il y a bien plus urgent.
Je n'accepte pas que cette jeune femme soit morte et qu'on la méprise à ce point. Ma soeur est morte sur le bateau qui nous a amené, et jamais je n'aurai accepté qu'elle soit traitée ainsi...
Ce n'est pas dans mon caractère mais là il faut que j'agisse un moment...

Un léger sourire... Le coeur est loin d'y être.
Peut être qu'elle va me suivre, mais je ne lui en voudrais pas si elle ne le fait pas.
Je m'approche lentement du groupe, aucune expression sur le visage.
Le sujet du conflit est à mes pieds...
Une femme... J'ai presque envie de vomir qu'en j'y repense...
Je pose un genou à terre, tout proche d'elle.
Délicatement ma main efface les quelques poussières qui étaient tombées sur son visage.
Mes tripes se nouent, ma gorge se sèche.

Ma main gauche passe alors sous sa nuque, l'autre sous ses genoux.
Je parviens à la lever lentement, avec tout le respect possible.
C'est la première femme que je tiens ainsi... Et elle est morte.
Mon regard se porte sur les deux hommes proches de moi et je leur dit, le ton calme mais ferme :

- Arrêtez... Vous vous êtes vus ? Il n'y a pas de coupable, juste une victime.

Mon regard se porte sur celui avec qui elle se battait :

- Ce n'est pas votre faute... C'est l'île. Elle nous prends tout ce que nous avons, nos certitudes, notre sang froid, mais aussi nos vies...

Je parviens avec difficulté à avoir un regard sans émotion.

- Corso, vous n'êtes pas parvenu à la sauver car l'île en a décidé autrement. N'essayez pas de trouver un coupable, car il n'y en a pas.
Nous avons chacun nos opinions, mais essayons un minimum d'être respectueux... S'il vous plait.
Je tiens à m'excuser pour le comportement que j'ai pu avoir à l'égard de certains...
Mais, pour l'instant, il nous faut offrir une sépulture décente à cette victime de l'île...

Je les regarde tous... J'ai l'impression de ne plus rien contrôler, ce n'est pas le James que j'ai connu. Petite soeur, tu me manques...
Un nouveau regard sur le visage paisible de la jeune femme.
Sans lever les yeux je demande alors à nos hôtes :

- Il y a un endroit où nous pouvons la laisser reposer en paix ?

J'ai envie de pleurer, mais pas seulement pour elle...
J'ai été trop stupide ces dernières années.
Je n'ai jamais dit à quelqu'un que je l'aimais, pas même à ma soeur.
Cette île m'a tout prit, je dois me reconstruire, mais pas avec ce qu'il s'est effondré...
Je vais passer pour celui qui joue les sages, ou les juges, mais tout ça a assez duré...

Quelque chose l’inquiète, quelque chose la dérange, une odeur particulière, celle qui annonce l’orage. Le silence trop soudain, la forêt qui se tait. James s’éloigne, va vers la mort, la morte, celle qui git le crane fracassé.

Ne comprend-il pas que ce n’est que le début ? Que ce n’est pas l’heure, pas l’heure de s’occuper des morts, que ce sont les vivants qu’il faut mettre en lieu sûr.

Elle écoute, non pas James, mais la forêt derrière elle, qui bruisse soudain, anormalement. C’est très léger presque inaudible, un sentiment, quelque chose qui approche. Elle lève les yeux vers les maisons environnantes. La mort approche, elle est là. Derrière !

Il faut faire vite, s’éloigner, s’éloigner de ce piège qui se referme sur eux. Le festin, une table de sacrifice, un repas pour qui, pour eux ? Elle comprend maintenant, elle comprend tout. Mais n’est-il pas déjà trop tard.

La forêt voudra-t-elle les laisser passer, les accueillir, se refermer sur eux, accepter de les protéger.


Elle prend la main de Vince, l’emporte avec elle sans un mot, pas d’explications. Les mots viendront plus tard, quand ils seront en sécurité. Ils s’approchent du foyer qui continue à bruler sans paraître perturber par la chape de silence qui vient de se poser sur eux. Elle lâche Vince et prend une petite bûche à peine consumée, la passe dans les flammes rapidement et se détourne du feu.

James, il faut le sauver lui aussi. Les autres, tant pis pour eux, elle ne les connaît pas.

Elle s’approche de lui, il veut ensevelir cette femme. Comme il a changé soudain, le voilà qui a pitié, qui est en colère, mis en colère par l’indifférence générale, cet égoisme qui veut que l’autre n’est pas important.

Il y a un endroit un peu isolé où nous pourrions enterrer cette femme. Venez ..

Elle pose sa main sur son bras, il doit la suivre, il faut qu’il comprenne que c’est sa vie qui est en jeu, la sienne.

Elle le regarde quelques instants, essaye de passer un message dans ses yeux, elle ne lui communique que son angoisse, qui monte, qui l’oppresse, qui lui intime de quitter les lieux, maintenant !

Sans attendre, sans savoir s’il la suivra, s’ils la suivront, Vince, James, sans savoir si le lieu où elle les conduits sera mieux qu’ici, elle s’en va, quitte la place, sans se détourner, sans regarder ceux qui restent, ceux qui n’ont pas compris, pas encore, parce qu’ils n’ont jamais assisté à ça. Tant pis pour eux. Tant pis…

[Direction : La cascade]

C'est pas possible, je cauchemarde, moi, ici...

Elle est morte, et autour tout le monde se regarde en chiens de faïence, entre Corso qui serre les dents, Trapp qui se fait câliner par une nénette vaguement connue ressurgie de nulle part, et maintenant James qui vient nous regarder de haut, comme si nous salissions la victime avec nos sales pattes...

Le bouquet...
C'est pas toi qui est passé à côté tout à l'heure en lui jetant à peine un regard ? C'est pas toi que j'ai vu aller t'asseoir tranquillement pendant que je hurlais après Corso pour qu'il fasse vite ? Qui a essayé de lui sauver la vie ? Toi ?
Et maintenant c'est toi et cette petite gonzesse inconnue qui venez nous jeter des regards dégoûtés ? A nous ? Putain j'aurai tout vu...

Ca fait du bien une bonne petite colère.
Ca requinque, ça soulage.
A la limite, ça fait plaisir.
Toujours agenouillée par terre là où j'étais, à côté d'elle, quand elle est morte entre mes bras (MES bras, t'entends ?), je les regarde s'éloigner, eux et leurs mines affectées, eux et leurs regards de mépris à peine dissimulés. C'est ça. Tirez vous. Ca vaut mieux. Vous seriez restés que je vous les aurais fait ravaler avec vos dents de devant, vos airs supérieurs. Tirez-vous, moi je garde mon souvenir d'elle, vous, vous embarquez un cadavre. Un cadavre. De la viande froide et sans vie.

Furieuse, écoeurée, fatiguée...
A bout.
J'en ai marre...
J'en peux plus...
Je me relève et m'éloigne de quelques mètres.
Il y a un gros arbre au pied dégagé.
Je vais m'y asseoir, le dos à l'écorce et les bras autour des genoux...
Ca suffit, j'ai ma dose...
La paix, par pitié...
La paix...

...

Il y a un problème.
Quelques secondes ont suffit, quelques secondes au calme.
Je relève le nez, je hume la nuit.
Il y a un problème...
Je fronce les sourcils, j'écoute...
C'est peut-être juste mon imagination qui me joue des tours...

Corps inerte qui gît sur le sol, moi figée sur mes pensées James s’approche, il va rendre grâce à cette femme qui à lâché son dernier souffle, elle est partie. Sépulture pour un défunt, trouver ou elle reposera en paix ... Loin de l’angoisse et de l’incertitude. Elle voguera parmi les siens qu’elle aura perdus bien avant cela !

Un homme, un geste, celui qui n’y croyait pas réalise ce qu’il pourrait advenir de nos vies. Enfin, il décèle peur et regrets ! S’approchant, s’inquiétant du sors du bourreau qui n’est que victime.

Profond ressenti quelque chose dérange ici... L’agitation que l’ont aurait pu déceler, se fond et se fait dévorer par un silence troublant ! Etonnant revirement de situation, quelque chose d’anormal ... Je tourne la tête vers la forêt, sombre, angoissante, pensées pesante pour l’homme qui est parti rejoindre l’obscurité ! Peur ... Effroi ... Lui ...

Bruits suspects qui se font entendre. Démons au repos se réveillent, ils viennent, mauvaise augure tel un corbeau qui se pose sur un arbre perché au plus haut de sa cime. Comme si des yeux sombre et assoiffé de vengeance se posent sur un visage. Observation.. Rien ne peut les empêcher ! Plus maintenant.

Qui peut prendre ça sur ses épaules, qui serait prêt à sacrifier son ombre ? Il faut attendre ... Bruissement, présence que l’ont ne peut pas percevoir, pas maintenant ... Plus tard ? Illimitable recherches, yeux qui essaient de trouver ... Mais rien ne vient !

Je suis prête à recevoir, la vie, la mort, indéfinissable besoin de quelque chose qui nous parvient pas ! Il ne reste plus qu’a attendre ... Et approcher de l’attroupement.

Mes yeux sont rivés sur Mère ... L’homme du canot ... Aucune paroles ... Regarder !

Et ce silence qui s'insinue .... Peut-être, bientôt, il sera rompu, brisé par un cri, par un dernier souffle de vie ...

C'est doucement que j'essaye de reprendre pied dans un monde où y avait un corps par terre. Le corps d'une femme inconnue, une espèce de folle, c'est cur. Mais, son crâne fendue et sle sang répandue sur le sol. A quoi, elle sert cette saloperie de talisman alors ?

J'ai pas de raison d'en vouloir au tireur de larfeuille plus qu'à un karma de merde ou à cette foutute île. Merde, c'est pas vrai en fait. Je suis paumé dans un réseau de pensées qui tournent. Un salopard comme un autre allonge d'une baffe une pétasse et je me relève pour jouer les matamors... Mais, c'est pas ça qui te fout les glandes Corso ! Nan, c'est la nasse autour de nous qui se resserre, l'étau qui se referme et l'incapacité qu'on a tous à envisager qu'on va tous y rester si on est pas ensemble. Ou pire, Corso, l'incapacité que t'as eu à faire quelque chose pour sauver cette fille.

Le marin ne parvient pas tout d'abord à laisser redescendre sa frutrastion. Poings fermés, phallanges qui blanchissent, respiration d'une lenteur maladive comme pour économiser. ils sont tous là autour du corps, Sibylle dont la présence fait comme un phare contre lui. elle était partie loin, trop ! Et lui au lieu de l'aider, toute cette rage, qu'elle doit subir. Ses mots sont clairs. Ce n'est pas de la faute de Trapp, elle voudrait lui faire entendre la voix de la morte. Mais, corso est sur le rythme d'un cheval fou. Rick qui tempère en fond sonore lui-aussi, Rayana, sur le pourtour du cercle, une nana venue consoler son cambrioleur cogneur de femme... Même la vieille des arbres s'y met aussi de sa sérénade.

Y a rien à dire, y a rien à faire maintenant, mais si je me le faislà maintenant à l'ancienne, mes tripes me disent que cela me ferait un bien extraordinaire du genre qu'après on regrette pas. Mais, je dois revenir sur terre, ils le disent tous, y a le sang sur le sol et la pierre qui dit que c'est pas le gigolo de première classe...

tiens v'la l'autre, le minet qui me fait des yeux doux depuis deux jours. Ne pas l'écouter, raccrocher à Sibylle et éviter son délire de père la vertue navrant. Il doit avoir un côté nécrophile à vouloir à toute force la soulever et se barbouiller de sang le dandy. Etrangement, c'est son envolée lyrique qui me remet les pieds sur terre, ça et et le fait que Sibylle se lève et s'écarte. Calmer le jeu, relacher...

J'abandonne Trapp à ses propres démons, d'abord, la petite Celi qui te décris comme le dernier des salauds et maintenant, tu viens de friter la duchesse, décidément, ça s'accumule autourde ta tête, trapp. On ne se connait pas encore. Mais, je ferais gaffe, l'oiseau rare.

Mes poings se desserrent lentement. On relache, je jette un oeil mauvais autour de moi. On en a perdu combien depuis qu'on est là ? Sibylle a l'air mal plus loin contre son arbre. Fatigue, ras le bol... je tourne la tête à tout ce beau monde

Je me redresse, et j'ai mal au genoux. Je me fais vieux pour toutes ces conneries. Qu'est-ce qu'elle a ma princesse aux yeux sombres ? Je m'approche d'elle, je voudrais la prendre contre moi, mais, pas moyen de relacher toute cette tension. elle a l'air si l;oin. comme un bon vieux gland de chêne breton, je reste là tout près sans oser franchir les derniers centimètres.

" Ca vas pas ? "

Pas le temps de répondre... Pas le temps de réagir... tout va trop vite!

D'abord Graceella qui parle à James. Puis cette femme qui tombe au sol. James va la voir. Moi, comme un idiot, je reste les bras branlants. Graceella finit par se décider, et après avoir formé une torche, décide de nous entrainer, James, moi, et ceux qui voudront suivre. Moi je la suivrai. car j'ai promis.

Mais c'est à cet instant que je sens. Quelque chose. Ca s'approche. Je ne sais quoi, mais cette atmosphère m'etouffe. je panique un peu, intérieurement. je sens le mal. Je sens la mort!

Premier reflexe, je me rapproche de Graceella, et saisit sa main comme celle d'un enfant que l'on accompagne. Je ne la lacherai pas! Ma seconde main est cripsée, prête à passer sous mon impermébale... Là ou mon arme est rangée.

D'un pas peu sûr, je suis Graceella, vers son endroit sûr... Je la suis en gardant un oeil constant sur elle!

[Vers la cascade
désolé de la qualité, pas d'inspi ce soir]

[viens de la maison souche]

La foret et tout se qui m'entoure est plus que calme, j'sais même pas pourquoi j'ai choisi cette direction si ce n'est que j'ai très faim et que j'ai cru sentir quelques odeurs de nourriture par ici...

En chemin je gueule pour brisée se silence qui m'oppresse...

-Rayana !!! Rayana !!!

Pas de réponse, décidément ou sont ils tous passés... Il me semble apercevoir quelques lueurs au loin... Finalement ils sont peut être tous ensemble et je continue d'appeler mon amie...

-Rayana !! Rayana !!

Toujours aucune réponse, je presse le pas pour rejoindre se que je suppose être des petits feu de camps... Au bout de quelques minutes j'arrive enfin... La plupart de mes compagnons de naufrages sont ici... J'aperçois Rayana pour le moment seule elle compte... Va t elle bien? pourra t elle me dire se qui se passe, combien de temps ai je encore été absente...

Quelque chose c'est passé durant mon absence... ils paraissent tous effrayés et rien qu'a voir leur tête la peur grandit encore un peu plus en moi... Je me met a courir pour rejoindre Rayana...

Essoufflée je m'arrête près d'elle, je la regarde...

-Rayana tu vas bien? Que se passe t il ici ?

Brisé la glace le silence qui se casse ... Des pas, des cris lointains ... Un bout de mon cœur qui part en fumée ... Pressentiment trop fort, trop accrochée, trop, trop ... Laisse le voler ! Filaments de torture ... Ils partiront ... Mais ne pourront disparaître ... Accrocher à la vie, qui me fille entre les doigts le dois-je vraiment ? Laisser courir l’avenir ... Si peu certain il se fait ! Mais si je dois mourir ce sera les yeux ouverts face aux maux d’ici ! Je n’ai plus peur !

Impression de souvenirs ... Quels souvenirs ? au fond de moi, il veille.. Je ressens cet émoi ! Prête à laisser partir ce qui me retient ! Cicatrice dans l’âme, j’en ai déjà tant ! Mais celle-là restera profonde pour l’éternité ! Pourquoi ? Juste des paroles, juste quelques regards échangé ... Etrange ... Elu à quelque chose qui fait partie de moi !

Une vision qui s’estompe quelque chose qui part au loin, et que je ne pourrai rattraper ... Acceptation de ses gênes, de ses tourments, de ses pensées même si elles sont sombre à en crever !

Une silhouette qui s’approche de moi ... Espérance ? Quelque chose de perdu qui se réanime ... Peut-être rendre grâce à cet espoir ! Elle est là, elle arrive ... Elle était partie, elle en avait besoins ! Mais maintenant elle nous rejoints, Je sens la panique la gagner ... Encore des angoisses qui se nomment pas ! On est tous dans le même cas !

Lyana, elle me parle, et à cet instant je m’éveille comme un second souffle qui m’arrive entre les mains...

Mon dieu Lyana c’est bien toi, j’ai eu si peur !! Tout continue d’être étrange ici ... Ne sens tu pas ce silence, cette odeur de mort qui trône ici, ces étranges bruissements alors qu’on ne sens pas le vent ?

Regarde, elle est morte, une de plus.. Et Fausto qui est parti ... Il s’est rendu proie à l’obscurité ... Je ne comprends pas ...

Ma gorge se noue quand je prononce son Nom ... Si fort, que je n’arrive presque plus à parler, ma tête se détourne pour ne pas laisser paraître mon émotion ...

Je crois.. je, il ne reviendra plus ... La mort est là ... Je le ressent plus, plus rien cette forêt.. Comment veux-tu qu’il s’en sorte !! C’est impossible ...

Regard qui se perd à nouveau à l’orée du bois.. L’obscurité, la froideur ... La perdition ! La mort qui l’emporte ...

Suffoquées, questions, tourne en rond ... Point d’espoir, plus d’espérances, démon dans la forêt qui s’approprie la vie ... Tire l’essence jusqu’au dernier souffle de vie ! Ce qu’il y a dans cette forêt, dans ce bois sans fin, je ne le sais ! Pourtant malédiction trône, douleur éparpillée, chacun sa croix !

Lyana n’y crois pas ... Ne peux pas s’abandonner à la vérité, Cet espoir qu’elle à la, je l’ai eu ... Mais je l’ai perdu ! Parti en cendre comme une partie de mon être lorsqu’il à disparu ... Présence j’y croyais, je le voulais, mais je le laisse partir là ou la tortures des sentiments n’y paraît plus !

Elle site acharnement, raison confondu avec pieux au creux du ventre ! Animosité des mauvais esprits, des entités qui se révèlent ravageuse à plus on avance dans le temps ! Condamné par l’avenir, prisonnier de cette île passé proche en fusion avec les attachements ... ça, ça restera !

Je ne sais pas Lyana, je n’en sais rien ! Île maudite qui nous tient entre ses griffes plus de raison de fuir à présent ! Vaincre et survivre, il faut que nous nous soutenions ! D’une manière ou d’une autre la mort nous attends quelque part entre ici et là-bas !

Promesse que vaut-elle lorsque l’on meurt ? Plus rien ... Promettre sa vie, c’est inaccessible si l’ont se sait condamner ! Puisse-elle avoir raison de son entêtement ! Mais son âme l’a bien quitté, lumineuse ... Peut-être qu’il le savait !

Mon regard se tourne vers Sibylle un peu plus loin ! Quelque chose ne va pas, quelque chose semble s’emparer de la pureté ! Sensibilité qui remonte ! Elle crie aux abris ! Elle ressent le mal qui s’échappe de cette forêt ! J’en suis convaincue ! Il faut s’éloigner ! De cette végétation qui tisse sa toile pour nous dévorer appâts de choix pour les ténèbres !

Regard effrayé, vers Lyana, comment lui expliquer pour qu’elle comprenne que tout est joué ! Et que lui ... Lui il ne reviendra pas dans sa clarté ! Il à déjà tant donné.

Lyana, crois tu réellement que je pourrais inventer sombre chose ?

Sibylle !! Elle a peur, quelque chose se passe ! Soyons aux aguets, proche de ce feu il faut nous soumettre ! Il faut nous éloigner des ces branches macabres que forment les ombres de ces arbres.

Le vois tu maintenant Lyana ce mal qui ronge ces lieux ? Si tu t’en va, seule tu ne pourras revenir ! C’est ça que tu veux ? Disparaître à ton tour ? Trop de mort déjà ! ... Accepte cette douleur ... Je suis là aussi ...

Ames corrompue, âmes qui recrache son venin sur les faibles, enrôlant les esprits qui garde rayons de lueurs ! Attention, encore veiller à ne pas sombrer ! Ensemble il faut continuer ! Sans suite nous nous perdrons tous dans ce fiel .

Il tremble une nouvelle fois... Mais ce n'est pas de la peur.
Syrrhio n'est pas comme Dellah, qui elle semble pétrifiée...
Elle semble totalement perdue, dévorée par la terreur.
Intérieurement Syrrhio jubile, mais à l'extérieur, rien ne parait.
Hop, l'homme enfile une nouveau masque.
Terminés les petits sourires, place au visage marqué par la peur.
Autour de lui, des bruits étranges s'amplifient, des ombres passent...
Syrrhio glisse sa main dans sa poche. Tout est fin prêt...

A présent il tourne la tête à tout vitesse, à droite, à gauche, le danger peut venir de partout.
Lentement il quitte sa place proche de l'ancienne, il fait le tour du festin, marchant lentement... Une fois.
Puis il recommence, mimant à la perfection le soucis et la crainte.
De sa poche sans que personne ne le voie, il fait glisser une étrange petite boule nacrée dans un des feux.
Il continue son chemin en marmonnant :

- Nous sommes perdus... Il faut nous défendre... Mais avec quoi ?

Quelques pas plus tard il se trouve face à un autre feu.
Nouvelle boule nacrée.
Il vient proche de Dellah, et chuchotte, plus pour lui que pour elle :

- Qu'allons nous faire ?...

Quelques minutes passent...
Deux petites explosions.
Une quasi-obscurité suit, deux feux viennent de s'éteindre.
Syrrhio dans un souffle lacha un inaudible :

- Que la fête commence...

Elle marche d’un pas rapide, se retourne quelquefois, cherche à savoir s’ils la suivent. Mais non ils ne sont pas là. Mais que font-ils ?

L’angoisse monte, le temps presse, ils vont se faire piéger. Il faut qu’elle aille les chercher, qu’elle les oblige à partir, à quitter les lieux.

Déjà elle les sent qui s’approchent, ils sont là, à guetter le moment, à tourner autour de la place, à choisir leurs victimes. Elle les sait cachés dans les fourrés, dardant leurs yeux sur leur proie.

Elle fait marche arrière. Vince … Il est là qui se dirige vers elle, elle le regarde, ils se regardent, un espace entre eux infranchissable, ses jambes qui se refusent de bouger plus avant, son cœur qui bat trop fort.

Viiiiinnnnccce !

Un cri qui se noie dans sa gorge, un sanglot qui refuse d’éclater, Vince… Elle ne peut plus avancer, il faut qu’il vienne vite, vite, avant qu’elles n’arrivent, celles par qui la mort arrivent.